On a déjà tout écrit sur John Lennon, et plutôt deux fois qu’une. Ce contestataire millionnaire, chantre du Peace and love consensuel des années 1960, pourrait donner à sourire vu l’écart entre sa vie et le propos de certaines de ses chansons. Ce n’est pas une raison de le larder de coups de couteau ! Mais faisons abstraction du personnage et remarquons, à l’instar de quelques autres dont nous avons parlé, que même un chanteur « de variété » peut effleurer des critiques à ce monde invivable. C’est le cas de John Lennon, avec Working class hero (1970) et Imagine (1971).
Nous pourrions signer les paroles d’Imagine : sans frontières, sans religions, sans possessions… pas mal ! Et en plus, c’est vrai que les pleutres, les racornis, les effrayés avant tout, les a priori timorés, les raclures de soumission ont toujours craché sur ceux qui veulent en découdre en les traitant (pour le moins !) de rêveurs, d’utopistes, d’irresponsables, etc. Lennon est bien gentil avec eux, nous pas, car c’est cette majorité silencieuse qui justifie et renforce la répression directe de nos luttes. Moins le bruit des bottes que le raclement des pantoufles…
Working class hero va encore plus loin dans la critique de ce que nous propose la société de l’argent. Tout d’abord parce qu’elle égratigne l’éducation que nous impose ce monde, qui veut casser l’enfant en nous pour nous fourrer dans le moule immonde de son plan de carrière. Dès le premier vers on souscrit : A peine né ils te font sentir que t’es un minus, ou plutôt ils font en sorte que tu te sentes minable ! Oui, bien sûr, le système scolaire est castrateur, élitiste et formatant ! N’oublions pas qu’en Angleterre, les châtiments corporels n’ont été interdits qu’en 1999 ! Lennon s’en souvient : « Ils te font souffrir chez toi et te battent à l’école. » Voir Beau comme une école qui brûle dans la rubrique Divers.
Lennon continue en pointant notre asservissement via la télévision, le sexe et les drogues. Dans ces dernières nous pouvons compter toutes nos addictions, à internet, aux séries, à l’alcool, aux médicaments, etc. Et sa critiques est claire : « Et tu te crois alors si intelligent, hors-classe et libre. » Dans le monde du divertissement, pas de classe sociale !
Voulant pointer ceux qui se contentent de ces drogues pour « tenir » Lennon utilise l’expression, malheureuse à notre sens, « fucking peasants », qui est encore une stigmatisation de ceux qui nous nourrissent ! En français aussi « paysan » est un terme péjoratif… décidément, il y a encore du pain sur la planche !
Le dernier couplet est très fort : si tu veux faire partie de l’élite, tu dois d’abord apprendre à tuer avec le sourire, que ce soit à la guerre au Vietnam (nous sommes en 1970) ou au bureau où il te faudra marcher sur ton collègue pour te hisser.
Cette chanson a eu un immense succès (commercial !) et sera reprise de nombreuses fois. N’ayons pas honte de la considérer comme faisant partie de notre patrimoine de contestation du vieux monde… qui reste à abattre ! Ecoutons la version initiale :
Paroles
As soon as you’re born they make you feel small
By giving you no time instead of it all
Till the pain is so big you feel nothing at all
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be
They hurt you at home and they hit you at school
They hate you if you’re clever and they despise a fool
Till you’re so fucking crazy you can’t follow their rules
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be
When they’ve tortured and scared you for twenty-odd years
Then they expect you to pick a career
When you can’t really function you’re so full of fear
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be
Keep you doped with religion and sex and TV
And you think you’re so clever and classless and free
But you’re still fucking peasants as far as I can see
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be
There’s room at the top they’re telling you still
But first you must learn how to smile as you kill
If you want to be like the folks on the hill
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be
If you want to be a hero well just follow me
If you want to be a hero well just follow me
Héros de la classe ouvrière
Dès que tu nais ils te rabaissent
En ne t’accordant pas le moindre temps du tout
Jusqu’à ce que la douleur soit si grande que tu ne sentes plus rien du tout
C’est quelque chose d’être un héros de la classe ouvrière
C’est quelque chose d’être un héros de la classe ouvrière
Ils te font souffrir chez toi et te battent à l’école
Ils te détestent intelligent et te méprisent idiot
Jusqu’à ce que tu sois si cinglé que tu ne puisses plus suivre les règles
C’est quelque chose d’être un héros de la classe ouvrière
C’est quelque chose d’être un héros de la classe ouvrière
Quand ils t’ont torturé et effrayé pendant 20 bonnes années
Ils s’attendent à ce que tu embrasses une carrière
Quand tu ne peux pas tu es empli d’une grande crainte
C’est quelque chose d’être un héros de la classe ouvrière
C’est quelque chose d’être un héros de la classe ouvrière
Ils te gardent drogué avec la religion, le sexe et la télévision
Et tu te crois alors si intelligent, hors-classe et libre
Mais tu es toujours un putain de paysan à ce que je vois
C’est quelque chose d’être un héros de la classe ouvrière
C’est quelque chose d’être un héros de la classe ouvrière
Ils ne cessent de te dire qu’il y a de la place en haut
Mais tu dois d’abord apprendre à sourire en tuant
Si tu veux ressembler aux gens sur la colline
C’est quelque chose d’être un héros de la classe ouvrière
Oui, c’est quelque chose d’être un héros de la classe ouvrière
Si tu veux être un héros tu n’a qu’à me suivre
Si tu veux être un héros tu n’a qu’à me suivre.