Non, ce rot n’est pas un cri du cœur, il est une gueulerie construite de toute pièce par l’Etat pour avilir les humains, masculins en tête… pour en faire des émasculins !
Nous sommes en 14-18, la guerre fait rage. Le populo ne part pas la fleur au fusil, mais la tête basse, le cœur serré, les tripes nouées. Les vagues de soldats qui déferlent sur les champs de déshonneur et de honte pour l’humanité, et qui vont donner leur vie pour les charognes d’industriels et leurs complices politicards, doivent cependant être encouragés, disciplinés, terrorisés, avinés, abrutis, flattés, décervelés… et j’en passe.
Parmi les mesures prises pour encadrer le troupeau, il y a, carotte et bâton réunis : des médailles en veux-tu en voilà ; des chansons et du théâtre, par les comiques troupiers ; le peloton pour la moindre broutille ; du mauvais vin toujours !
Des dizaines de chansonniers vont quotidiennement se produire devant la troupe, au repos, dans les cantonnements ou dans les hôpitaux, pour « soutenir leur moral ». La palme à l’un des plus répugnants, Théodore Botrel, qui chantait : « Pour sauver la France/Qu’il fait bon, fait bon, fait bon/Pour sauver la France/Qu’il fait bon souffrir ! »
Il faut absolument abrutir le prolo sous l’uniforme tout en lui insufflant l’amour du sacrifice pour sa patrie. Or, ce n’est pas gagné en 1916. Souvenons-nous que la bataille de Verdun, c’est plus d’un million de morts ! La présence à ces festivités était obligatoire. Certains soldats ont fait de la prison pour avoir refusé d’y participer.
L’abrutissement du soldat a été rendu possible par son enivrement systématique, organisé efficacement par l’état-major, dès l’été 1914. De la vinasse, coupée d’alcool à brûler ou même d’éther, est quotidiennement offert au Poilu. S’il manque régulièrement d’eau, obligé alors de boire sa propre pisse, et de nourriture, il ne sera jamais à court de vin. Les rations augmentent d’année en année… en plus de l’eau-de-vie avant l’assaut…
C’est Louis Bousquet qui commettra, en 1916, ce lamentable Vive le pinard !, lequel avait déjà à son actif trois fameuses merdes : Avec Bidasse, La Caissière du Grand Café et la célébrissime Quand Madelon… qui vante les exploits d’une prostituée.
On pourrait multiplier les exemples de chansons patriotardes, telle le Chant du départ, écrite en 1794, rabâchées, ressassées, chantées à tire-larigot, des milliers et des milliers de fois… ou ces couplets nauséeux à la gloire de la baïonnette ou de la mitrailleuse françaises… ou ceux décrivant les Allemands, violeurs d’épouses et dévoreurs d’enfants, etc., etc., jusqu’à vomir !
Vive le pinard ! illustre la stratégie de l’Etat français pour réduire notre humanité à de la vulgaire chair à canon. Mais de la misère naît la révolte contre la misère… et de la guerre, la révolution !
Paroles:
Sur les chemins de France et de Navarre
Le soldat chante en portant son bazar
Une chanson authentique et bizarre
Dont le refrain est « Vive le pinard ! »
Refrain :
Un ! Deux !
Le pinard c’est de la vinasse
Ça réchauffe là oùsque ça passe
Vas-y, Bidasse, remplis mon quart
Vive le pinard, vive le pinard !
Aimer sa sœur, sa tante, sa marraine
Jusqu’à la mort, aimer son étendard,
Aimer son frère, aimer son capitaine,
Ça n’empêche pas d’adorer le pinard
(…)
Jeune marmot, bois le lait de ta mère
C’est ton devoir, mais songe que plus tard,
Cette boisson te paraîtra z’amer,
Un vrai poilu ne boit que du pinard.
(…)
Sur le talus renverse ta bergère,
De l’ennemi renverse les remparts,
Dans les boyaux fous-toi la gueule par terre
Mais ne va pas renverser le pinard
(…)
Dans le désert, on dit qu’le dromadaire
N’a jamais soif, mais c’est des racontars,
S’il ne boit pas, c’est qu’il n’a que d’l’eau claire,
Il boirait bien s’il avait du pinard
(…)
On tue les poux avec de l’insecticide,
On tue les puces avec du coaltar,
On tue les rats avec des acides
Et le cafard en buvant du pinard