La révolution au Mexique, au début du 20ème siècle, reste à écrire.
Durant le 19ème siècle, au Mexique, nombre d’insurrections et de révoltes, ont comme point de départ les expropriations des paysans, les péones, par les riches propriétaires terriens, les hacendados, les privant de leurs terres et ainsi de leurs moyens de vivre.
Un des mouvements insurrectionnels les plus importants que le continent américain ait connu, s’est déroulé au Mexique, pendant deux ans, culminant au cours des sept premiers mois de 1869 par l’insurrection de Chalco, dans l’Etat de Mexico. Dans cette région, la bourgeoisie ne réussira à éteindre l’incendie révolutionnaire que beaucoup plus tard.
Au début du 20ème siècle, les prolétaires au Mexique, la plupart d’origine indienne, recommencent à se soulèver et veulent renverser le cours malheureux de leur existence misérable.
Ils chantent beaucoup aussi, dont la célébrissime Cucaracha, aux origines inconnues, mais lointaines et aux multiples versions. En 1910, épousant le monde qui se renverse, les versions deviennent plus politiques et brocardent les présidents successifs qui saignent le petit peuple. Mais celui-ci est en arme désormais et rend balle pour balle !
Voici une version lente de ce fameux corrido, avec des photos d’époque qui, au-delà de la dimension folklorique, rendent comptent de notre détermination quand nous décidons d’en finir avec le vieux monde :
https://www.bing.com/videos/riverview/relatedvideo?q=historique%20la%20cucaracha&mid=848A002A77354E67B81E848A002A77354E67B81E&ajaxhist=0
Parmi les figures de la révolution au Mexique, il y a Ricardo Flores Magon, qui écrit des textes brûlants le cœur des insurgés, dans son journal Regeneración…
Voir en annexe, le texte qu’il écrit le 11 décembre 1915, Le mendiant et le voleur.
Voici ce que Flores Magon pensait des paysans, au Mexique :
« Instinctivement, le peuple mexicain exècre l’autorité et la bourgeoisie […]. L’entraide mutuelle était la règle dans ces communautés […], il n’y avait ni juges, ni maires, ni gardiens de prisons, ni aucun être nuisible de cette espèce. Tous avaient droit à la terre, à l’eau pour l’irrigation, aux forêts pour se procurer du bois pour se chauffer et pour construire les huttes. […] Il est donc évident que le peuple mexicain est capable de parvenir au communisme car il a fonctionné sur ce mode, tout du moins en partie, depuis des siècles. »
Regeneración, 2 septembre 1911.
En 1978, Spartacus publie quelques textes de Regeneración, avec comme titre La révolution mexicaine de Ricardo Flores Magon.
En 1990, l’Insomniaque publie une petite plaquette de quelques textes de Regeneración, sous le titre Propos d’un agitateur.
En 2015, Libertalia republie ces textes, plus trois autres, sous le même titre.
Les trois contiennent une chronologie succincte.
Flores Magon sera assassiné, en 1922, dans une prison américaine, car trop subversif aux yeux des autorités états-uniennes.
L’autre personnage important de cette période révolutionnaire, dans cette région, est Emiliano Zapata, infatigable organisateur et dynamisateur des révoltes paysannes. Depuis son assassinat, en 1919, tous les camarades, au Mexique, qui se lèveront contre l’ordre établi, honoreront le nom de Zapata. Le cri : Viva Zapata ! sonne comme Vive la Révolution !
Emiliano aimait à répéter cette phrase : plutôt mourir debout que vivre à genoux !
Voici une chanson à la gloire :
🇲🇽 Mi general Zapata (français ST) Chanson Révolutionnaire Mexicaine – YouTube
Le slogan Tierra y libertad est repris de toutes les insurrections paysannes depuis la nuit des temps… dans toutes les langues et latitudes !
La chanson apologétique de Zapata parle de patrie, alors que c’est toujours une faiblesse de beaucoup de révolutionnaires de rester prisonniers de la fiction nationaliste, au Mexique comme partout ailleurs !
De plus, Zapata n’a-t-il pas péché par naïveté en croyant les paroles du richissime Madero ?
Idem pour ses collusions, passagères certes, avec Pancho Villa… que Flores Magon a critiquées dans Regeneración…
Le film d’Elia Kazan, Viva Zapata, en 1952, n’échappe pas à la caricature, malgré la prestation d’Antony Quinn et Marlon Brando ! Retenons la scène de l’attaque de la caserne militaire : courage et détermination, voilà ce qui nous manque, camarades de ce siècle-ci !
Nous sommes tombés, dans nos recherches, sur une chanson de Gilles Dreu, en 1967 :
Gilles Dreu – Emiliano Zapata (Chanson française, 1967) – Bing video
Intéressant de voir que même dans une chanson, disons « nunuche », se niche la graine de la subversion : « … la liberté ne se gagne que les armes à la main… »
Ceci dit, notre admiration au révolutionnaire Emiliano Zapata demeure intacte… au contraire de l’aventurier Pancho Villa, à la réputation usurpée, qui na jamais dépassé le stade de révolté, au service de tel ou tel politicien. Lui aussi finira assassiné par ces derniers, en 1923, quand le vent de la révolution sera calmé.
En 1961, Serge Gainsbourg nous parle de l’assassinat de ce dernier, avec Viva Villa… sauf que Francisco Villa ne fut pas assassiné à Guadalajara, mais à Parral !
Serge Gainsbourg – Viva villa – YouTube
Un écrivain a décrit la vie des indiens, au Mexique, de façon magistrale, c’est B. Traven, alias Red Marut. Ses romans La révolte des pendus, Le trésor de la sierra madre, Dans l’Etat le plus libre du monde, etc., sont à lire ou relire.
Le trésor de la sierra madre, adapté au cinéma, en 1948, par John Huston (avec Humphrey Bogart) est aussi à voir !
Parmi les livres sur le sujet de la révolution au Mexique, au début du 20ème siècle, retenons :
La révolution mexicaine, de Jesus Silva Herzog, 1960 ;
Le Mexique insurgé, texte écrit par John Reed, en 1914, mais publié en 1954 seulement ;
La révolution mexicaine, de Jean Meyer, 1973.
La révolution resurgira, au Mexique, jusqu’à nos jours. Zapata peut dormir tranquille, sa vie ne fut pas inutile !
Tentons un résumé, incomplet évidement, de ces luttes :
* En 1968, les étudiants se révoltent et l’Etat mexicain, prouvant au monde capitaliste sa capacité à accueillir les Jeux olympiques, va se déchaîner et massacrer environ 400 de nos frères, dans ce qui est connu comme le massacre de la place des Trois Cultures, à Mexico. Regardons une trace filmée de cet assassinat de masse. Le premier reportage est le plus intéressant, malgré l’erreur sur le nombre de morts :
Massacre de Tlatelolco : le 2 octobre 1968, l’armée mexicaine ouvrait le feu sur 8 000 étudiants | INA
Paco Ignacio Taibo II, participant aux mouvements étudiants de 1968, à Mexico, écrit 68, en 2004.
Voir Sous les pavés la plage – La bande-son de mai 68, dans la rubrique Divers.
Coïncidence, c’est en 1968, à Tlatelolco, que naît Lila Dows, qui, en 2011, perpétue la mémoire d’Emiliano Zapata, avec une curieuse chanson, Zapata se queda :
Musique du jour : Zapata se queda | Le Club (mediapart.fr)
* En 1994, c’est au Chiapas que l’hydre de la révolution refait surface… les camarades se définissant comme zapatistes !
Sur le site www.antiwarsongs.org, si vous tapez Chiapas, vous aurez un panel de chansons sur le sujet.
* En 2006, enfin, c’est à Oaxaca que la bourgeoisie a de nouveau tremblé, face à notre force collective. Une chanson surgit de la lutte, Son de la barricada :
son de la barricada-appo – YouTube
Petit rappel : la barricade ferme la route, mais ouvre la voie !
Viva la revolucion !
Paroles
Le Mendiant et le Voleur
Sur l’avenue élégante, homme et femme se promènent, parfumés, chics et provocants. Collé au mur, la main tendue, un mendiant quémande d’une voix tremblante et servile : — Une aumône, pour l’amour de Dieu !
De temps à autre, une pièce tombe dans la main du mendiant qui s’empresse de l’enfouir dans sa poche tout en se confondant en louanges et en remerciements avilissants. Un voleur passant par là ne peut s’empêcher de lui lancer un regard plein de mépris. Le mendiant s’indigne (la déchéance a ses pudeurs) et grogne d’un ton irrité:
— Tu n’as pas honte, gredin, de regarder en face un honnête homme comme moi ? Je respecte la loi. Je ne commets pas le délit de mettre la main dans la poche d’autrui, moi. Ma démarche est sereine, comme tout bon citoyen qui n’a pas coutume de se faufiler, sur la pointe des pieds, dans les maisons des autres à la faveur de la nuit. Je n’ai ni à me cacher, ni à fuir le regard du gendarme. Le nanti se montre bienveillant à mon égard et quand il jette une pièce dans mon chapeau, il me tapote l’épaule en murmurant : « Brave homme ! ».
Le voleur ajustant son chapeau, grimace de dégoût, lance un regard alentour et réplique au mendiant :
— N’espère pas me faire rougir, vil mendiant ! Toi, honnête ? L’honnêteté ne vit pas à genoux, prête à ronger l’os que l’on daigne lui jeter. Elle est fière par excellence. Je ne sais si je suis honnête ou non, mais je dois t’avouer qu’il m’est insupportable de supplier les riches de m’accorder, au nom de Dieu, les miettes de tout ce qu’ils nous ont volé. Je viole la loi ? C’est vrai, mais elle n’a rien à voir avec la justice. En violant les lois promulguées par la bourgeoisie, je ne fais que rétablir la justice bafouée par les riches, qui volent les pauvres au nom de la loi. Si je m’empare d’une partie de ce qu’ils ont pris aux déshérités, je n’accomplis par là qu’un acte de justice. Si le riche te tapote l’épaule, c’est que ton abjecte bassesse et ta servilité lui garantissent la pleine jouissance de ce qu’il a volé, à toi, à moi, à tous les pauvres du monde. Les riches souhaitent ardemment que tous les déshérités aient l’âme d’un mendiant. Si tu étais vraiment un homme, tu mordrais la main qui te tend un bout de pain. Je te méprise.
Le voleur cracha et se perdit dans la foule. Le mendiant leva les yeux au ciel et gémit :
— Une aumône, pour l’amour de Dieu !
Viva Villa
Deux fusils, quatre pistolets
Et un couteau à cran d’arrêt
S’en vont à Guadalajara
C’est pour un fameux carnaval
Que s’avance cet arsenal
Qui a pour nom Pancho Villa
Tout à l’heure au pied du calvaire
Il dira une courte prière
Puis il reprendra ses jurons
Et son chemin et sa chanson
Viva Villa
Viva Villa
Viva Villa
Quatre fusils, dix pistolets
15 couteaux à cran d’arrêt
Viennent de Guadalajara
C’est pour un fameux carnaval
Que s’en vient tout cet arsenal
On recherche Pancho Villa
S’ils vont du côté du calvaire
Ils trouveront l’révolutionnaire
Ils lui f’ront entendre raison
Ou bien avaler sa chanson
Viva Villa
Viva Villa
Viva Villa
Deux fusils, quatre pistolets
Et un couteau à cran d’arrêt
Allaient à Guadalajara
Ce fut un fameux carnaval
Quand on fit sauter l’arsenal
Qui s’appelait Pancho Villa
Il est là au pied du calvaire
Il vient de mordre la poussière
Les vautours ne lui laisseront
Que les os et les éperons
Viva Villa
Viva Villa
Viva Villa
Zapata se queda (Zapata, toujours là !)
Traduction approximative :
Il est trois heures du matin, On dit qu’un saint est en deuil A voix basse, je l’entends dire : « Marche lentement, ay mama, Marche lentement ».
Mon rêve me dit de ne pas y aller, Mes jambes me disent : « juste un peu » Et soudain, je réalise, caramba ! Que j’avance petit à petit, ay mama, Que j’avance petit à petit.
Serait-ce toi Zapata Celui que j’entends ici, Avec ta lumière perpétuelle Celui que j’ai vu dans tes yeux ? dans mon esprit, on peut entendre, ce qu’il me dit, dans mon esprit, on peut entendre, ce qu’il me dit.
A l’ombre du céiba On a entendu un coup de fusil Et un coq noir est tombé Par la rue Milagros. Si tu dis que tu m’aimes, avec le tout au tout, Et tu viens avec moi Nous allons décoller Ay, ay, ay, quand je rêve de toi, la sérénité se dessine, tout au long du chemin Ay, ay, ay, quand je rêve de toi, il n’y a ni peur ni doute, A propos de mon destin.