Hamada Ben Amor est un rappeur tunisien, plus connu comme El Général. Le 7 novembre 2010, il sort, sur les réseaux sociaux, le sulfureux Raïs le bled (président du pays), qui s’adresse directement à Ben Ali, président de la Tunisie. Même si les paroles sont mesurées, la démarche est terriblement dangereuse pour ce jeune homme de 21 ans qui ose dire tout haut ce que tous subissent, plus ou moins en silence. Au début de la vidéo on voit Ben Ali dans une école : « Qu’est-ce qui t’embête ? Vas-y, raconte-moi. Tu veux me dire quelque chose ? » L’enfant, effrayé, recule dans sa chaise, il a manifestement envie de pleurer.
Le 17 décembre, Mohamed Bouazizi, désespéré par la corruption des flics qui le rançonnent sans vergogne, s’immole publiquement. C’est l’étincelle qui va mettre le feu aux poudres sociales et illuminer cette saison magnifique appelée, printemps arabe !
Aussitôt, El Général remet ça avec Tounes Bledna (Tunisie notre pays), mais pour l’Etat tunisien c’en est trop et El Général est emprisonné. La police secrète tente de l’intimider. On écoute ce deuxième rap, dont nous n’avons pas trouvé les paroles en français (avis aux avisés!) :
El Général est libéré, au bout de trois jours, sur pression de la rue qui a reconnu dans Raïs le bled la chanson de son cri contre la misère et l’humiliation. D’ailleurs tous les insurgés des pays arabes entonneront cet hymne à la révolte d’Hamada Ben Amor, le bien nommé !
Fin décembre, toute la Tunisie flambe de colère !
Le 4 janvier 2011, Mohamed Bouazizi meurt.
Le 14 janvier, Ben Ali s’enfuit, avec sa tortionnaire et richissime épouse, après 23 ans d’un règne de terreur.
Le mouvement révolutionnaire continue sa course à travers les pays arabes et les dictateurs tombent les uns après les autres : Ben Ali (Tunisie), Hosni Moubarak (Egypte), Kadhafi (Lybie), etc. La lutte touche principalement les pays suivants : Tunisie, Egypte, Yémen, Bahreïn, Libye et Syrie. Le mot d’ordre « dégage », en français, est adopté par les foules révoltées.
Petite parenthèse avec Dominique Grange qui fait rebondir ce mot d’ordre et cette énergie contre le dictateur en France, Sarkozy, avec, en 2012, Dégage ! Dégage ! Dégage ! :
Dans tous les pays du Maghreb et du Machrek, les responsables religieux musulmans se sont entendus avec l’armée nationale, pour réprimer ces révoltes, ces insurrections, ces soulèvements incessants et qui n’arrêtaient pas de s’étendre.
Respect pour le courage d’Hamada qui a su prendre des risques, dont celui de se faire torturer et tuer par les flics, parce qu’il a écouté son cœur, en rythme avec celui de ses frères de classe.
Quelques sources pour mieux comprendre la lutte en Tunisie et ailleurs :
– Sur le site du Jura libertaire, un tract du 18 janvier 2011 appelle à la solidarité de classe :
Tract de solidarité avec les insurgés tunisiens – Archives du Jura Libertaire (over-blog.com)
– Sur le site de Lieux communs, une chronologie du mouvement :
Chronologie du soulèvement tunisien – Lieux Communs (collectiflieuxcommuns.fr)
– Sur le site du Jura Libertaire, un tract d’avril 2011 du Groupe Guerre de Classe :
Paroles
Raïs le bled – Président du pays
Président du pays
Aujourd’hui je m’adresse à toi
En mon nom et en celui du peuple entier
qui vit dans la souffrance
En 2011 il y a encore des gens qui meurent de faim
Le peuple veut travailler pour vivre
Mais sa voix n’est pas entendue
Descends dans la rue et regarde autour de toi
Les gens sont traités comme des bêtes
Regarde les flics
À la matraque, tacatac,
Impunément
Puisqu’il n’y a personne pour leur dire non
Même la loi et la constitution
ils n’en ont rien à foutre
Chaque jour j’entends parler d’une affaire
montée de toutes pièces
Pourtant le pouvoir sait
qu’il s’agit là d’un citoyen honnête
Regarde les flics
taper sur les femmes voilées
Est-ce que tu accepterais ça pour ta fille?
Ce que je raconte est malheureux
Puisque tu es un père
et que tu ne voudrais aucun mal à tes enfants
Alors dis-toi que ce message
t’est adressé par un de tes enfants
Nous vivons dans la souffrance
comme des chiens
la moitié du peuple vit dans l’humiliation
et a goûté à la misère.
Président du pays
ton peuple est mort
les gens se nourrissent dans les poubelles
Regarde ce qui se passe dans le pays
les soucis sont partout
Les gens n’ont plus où dormir
Aujourd’hui je parle au nom du peuple
écrasé par le poids de l’injustice
Président du pays
tu nous dis parle sans crainte
Voilà j’ai parlé
Mais je sais ce qui m’attend
Et ce n’est que des coups
Je vois beaucoup d’injustice
Voilà pourquoi j’ai choisi de parler
Pourtant beaucoup m’ont mis en garde
Jusqu’à quand le peuple tunisien
doit-il vivre dans les rêves?
Où est la liberté d’expression?
Je n’en ai vu que le nom.
Tu appelles la Tunisie « la verte »
Mais président regarde
Elle est devenue un désert
coupée en deux blocs.
Il y a ceux qui volent aux yeux de tous
Pas besoin de les nommer
Tu sais très bien qui sont ces gens
Beaucoup d’argent devrait aller
aux projets, aux réalisations,
aux écoles, aux hôpitaux, aux logements
Mais les fils de chien
avec l’argent du peuple
ils se remplissent le ventre,
ils volent, ils pillent, ils se servent,
pas un siège ne leur échappe
Le peuple a tant à dire
mais sa voix ne porte pas.
S’il n’y avait pas cette injustice,
je n’aurais pas besoin de parler.
Président du pays,
ton peuple est mort
les gens se nourrissent dans les poubelles
Regarde ce qui se passe dans le pays
Les soucis sont partout
Les gens n’ont plus où dormir
Aujourd’hui je parle au nom du peuple
écrasé par le poids de l’injustice
Ok
la voix du pays
Général 2011
toujours la même situation
les mêmes problèmes les mêmes souffrances
Raïs le bled
Rais le bled
Président du pays,
ton peuple est mort
les gens se nourrissent dans les poubelles
Regarde ce qui se passe dans le pays
Les soucis sont partout
Les gens ne savent pas où dormir
Aujourd’hui je parle au nom du peuple
écrasé par le poids de l’injustice