Cette page est un complément à Beau comme une école qui brûle, ainsi qu’à Jehan Jonas, dans la rubrique Divers.
C’est en 1973 que Jehan Jonas compose et chante ce vigoureux plaidoyer.
Il est parfaitement vrai que c’est l’école qui fabrique le citoyen docile, amorphe, obéissant, travailleur, surtout travailleur. L’enfance est un problème… alors les enfants, il faut les formater, les dresser, les conformer, les domestiquer, les discipliner, les humilier… les éducastrer ! En rang et en silence !
Voir J’m’en fous d’la France, de Maxime Le Forestier, dans la rubrique Analyses.
Le capitalisme ne supporte pas l’amour, la tendresse, la vie libre, il lui faut des efforts, des projets, des devoirs, des sacrifices « pour arriver ». Pour ce faire, il nous alpage au berceau et ne nous lâche plus la grappe jusqu’à la tombe ! Quelle lucidité chez Jehan et quel ténacité à dénoncer l’inhumain, dans quasi toutes ses chansons. Ecoutons ce Plaidoyer pour un futur crétin et discutons de la proposition finale… si l’envie vous en prend :
https://www.youtube.com/watch?v=dPcp2AFaIBM
Paroles
Plaidoyer pour un futur crétin
Dans des écoles
Aux murs décorés de tes dessins d’enfant
Sur des bancs où tu seras fier de t’asseoir
Comme se sont assis tes ainés
Quand nos aînés n’y seront plus
On t’apprendra l’obéissance
On t’apprendra la transparence
On te rendra inodore, incolore, insipide
Insonore et stupide
On t’apprendra le code de la route
À voter oui une fois pour toutes
À voter oui
À voter non
Hum, hum, hum… à voter
À faire ton devoir du dimanche
Tu deviendras celui qui rampe
On éteindra ta lampe
Et tu parleras au nom des autres
Tu diras « Nous »
Tu diras « Nous voulons »
Tu ne diras plus jamais « Moi »
Tu parleras très fort
Tu marcheras quand même
Sous la botte ferrée
D’un cabot militaire
Puisqu’il faut le faire
Ou bien tu t’ feras réformer
Et tu l’ diras très fort
En riant comme une conne
« Je les ai bien eus, ha, ha…
Je les ai bien eus »
Comme si c’était possible
Tu seras de la majorité
Ou tu seras de l’opposition
Tu suivras les consignes
Tu seras pour ou contre
Et quand tu l’auras dit
T’iras t’asseoir devant ta soupe
Avant qu’elle refroidisse
Avant qu’ même le Royco se révolte
À défaut d’être quelqu’un
Tu seras quelque chose
Dont tu causeras bien haut
En faisant de grands gestes
Modeste
Tu seras une fonction écrite
En gras sur une carte de visite
Tu écouteras les compliments
Le rouge au front, baissant la tête
Couronnant de tes cheveux blancs
Le pavillon de ta retraite
Et tu diras « Merci »
Ravalant ta rancœur
Car on t’aura appris
Qu’on ne parle jamais la bouche pleine
Tu seras un valet modèle
Fidèle
Un peu putain, bien sûr
Mais faut bien vivre
Et l’on t’entendra dire
« Mon p’tit, tu sais, dans la vie
On ne fait pas toujours c’ qu’on veut
Tu comprendras plus tard
Il faut plier parfois
Comme j’ai plié toujours »
Et tu f’ras le compte de tes amis
Sur le doigt qu’il te restera
D’une vie de labeur
Avec des gens sévères
Hum… mais justes
Et l’on t’emportera
Plié, voûté
Coudé
Dans une boîte en bois
Comme dans le ventre d’une mère
Suivi des enfants de ta femme
Voilà pourquoi
Voilà pourquoi, mon fils
Ta mère… prend la pilule!