La vie de Facundo Cabral mérite un détour. Son père quitte le foyer familial, la veille de sa naissance, en 1937, en Argentine. A neuf ans il part rencontrer Juan Peron pour aider sa famille, dans la misère. Avant de partir, sa mère lui dit : « Je t’ai fait deux cadeaux : le premier, te donner la vie, le second, la liberté de la vivre. » Ado, Facundo devient voleur, alcoolique, taulard. Pour se faire des souvenirs, probablement. Il s’échappe de prison, connait la dure loi de la survie… mais Destin l’a dans son collimateur ! Ayant appris à lire et écrire à 14 ans, en prison, il deviendra auteur-compositeur-interprète, écrivain, voyageur, mystique, etc. Nombre de ses chansons dénotent un engagement social certain. Sa mort même est originale : assassiné par erreur par la mafia guatémaltèque, en 2011 !
En 1970, il écrit, enregistre et chante No soy de aqui ni soy de allà (Je ne suis ni d’ici ni d’ailleurs), qui deviendra un succès mondial et sera mille fois repris, avec parfois des paroles ajoutées. Facundo quitte l’Argentine des généraux, en 1976. Quand il revient, en 1984, sa renommée n’a pas pris une ride.
Nous présentons trois versions de cette chanson mythique, en Amérique latine.
Tout d’abord, la version live d’Alberto Cortez. Magnifique ferveur du public latino qui chante, en chœur, cet hymne à l’amour :
Ensuite, en 2010, la fragile version de Facundo lui-même, à 73 ans :
Enfin, puisqu’il faut garder son âme d’enfant, la version de 2020 d’Isaac et Nora :
Alors No soy de aqui ni soy de allà, une chanson de lutte ? Pourquoi pas? On nous a tellement habitués à aimer le laid, le vulgaire, le sale, le fade, l’uniforme… que se souvenir que la vie est belle, les femmes, les hommes, le vin autant que les fleurs, le vent et les hirondelles… devient primordial. L’ancien taulard nous laisse une chanson superbe de douceur, de simplicité, d’amour et de poésie : « Je ne suis ni d’ici ni d’ailleurs/Je n’ai ni âge ni avenir/Et être heureux est la couleur/De mon identité. »
Cette chanson œuvre aussi à la condamnation des frontières et des barbelés de ce monde brutal. Muchas gracias Facundo !
Paroles
No soy de aqui ni soy de allà
Me gusta el sol
Y la mujer cuando llora
Las golondrinas
Y también las señoras;
Saltar balcones y abrir las ventanas
Y las muchachas en abril
Me gusta el vino
Tanto como las flores
Y los amantes
Pero no los señores
Me gusta ser amigo de los ladrones
Y las canciones en francés
No soy de aquí, ni soy de allá
No tengo edad ni porvenir
Y ser feliz es mi color
De identidad
No soy de aquí, ni soy de allá
No tengo edad ni porvenir
Y ser feliz es mi color
De identidad
Me gusta estar
Tumbado siempre en la arena
O en bicicleta
Persuguir a Manuela
O todo el tiempo para ver las estrellas
Con la María en el trigal
No soy de aquí, ni soy de allá
No tengo edad ni porvenir
Y ser feliz es mi color
De identidad
Je ne suis ni d’ici ni d’ailleurs
J’aime le soleil
Et la femme quand elle pleure
Les hirondelles
Ainsi que les dames
Sauter sur le balcon et ouvrir les fenêtres
Et les filles en avril
J’aime le vin
Autant que les fleurs
Et les amantes
Mais pas les messieurs
J’aime être l’ami des voleurs
Et les chansons françaises
Je ne suis ni d’ici ni d’ailleurs
Je n’ai ni âge ni avenir
Et être heureux est la couleur
De mon identité
J’aime être
Toujours allongé sur le sable
Ou à bicyclette
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Ou par tous les temps regarder les étoiles
Avec Maria dans le champ de blé