Fabrizio De André est un chanteur contestataire italien. Il a fait connaître Brassens en Italie, qu’il chantait en italien ! En 1973, il sort un album-concept basé sur mai 68, Storia di un impegiato (Histoire d’un employé), dans lequel il n’y a que de bonnes chansons, dont Il Bombarolo (Le poseur de bombe), Canzone del Maggio (Chanson de mai), dont nous parlerons plus bas, ainsi que Nella mia ora di liberta (Pendant mon heure de liberté) :
Ce qu’induit cette chanson est formidable : nous sommes tous responsable de l’entièreté de la société. La chanson ne culpabilise personne, elle donne juste cette dimension sociale à nos actes, tous nos actes, surtout ceux qui omettent de résister à ce monde inhumain. Hé oui, à chaque fois qu’on ne lutte pas, peu ou prou, on justifie l’oppression : « On nous a appris à nous étonner/Des gens qui volent du pain/Maintenant nous savons que c’est un délit/De ne pas voler quand on a faim. »
C’est un crime contre l’humanité que d’accepter le monde tel qu’il est, de se soumettre, se résigner, justifier notre apathie, notre arrogance, notre suffisance, notre égoïsme, etc.
C’est un crime de ne pas voler quand on a faim ! Quel magnifique retournement ! Ce thème de la responsabilité collective est cher à Fabrizio. Ca rappelle les Gilets jaunes criant aux « spectateurs » : « Ne nous regardez pas/Rejoignez-nous ! »
La fin de la chanson est reprise de Canzone del Maggio, dont nous donnons le texte ci-dessous:
Dominique Grange en donne une version en 2018, Chacun de vous est concerné. Voir Sous les pavés, la plage – La bande-son de mai 68 dans la rubrique Divers.
Nella mia ora di liberta nous rappelle que le capitalisme et toutes ses horreurs quotidiennes n’est pas naturel, n’est pas normal… c’est l’acceptation de notre servitude qui est anormale ! C’est un crime de ne pas voler quand on a faim !
Paroles
Di respirare la stessa aria
di un secondino non mi va
perciò ho deciso di rinunciare
alla mia ora di libertà
se c’è qualcosa da spartire
tra un prigioniero e il suo piantone
che non sia l’aria di quel cortile
voglio soltanto che sia prigione,
che non sia l’aria di quel cortile
voglio soltanto che sia prigione.
È cominciata un’ora prima
e un’ora dopo era già finita
ho visto gente venire sola
e poi insieme verso l’uscita
non mi aspettavo un vostro errore
uomini e donne di tribunale
se fossi stato al vostro posto…
ma al vostro posto non ci so stare
se fossi stato al vostro posto…
ma al vostro posto non ci so stare.
Fuori dell’aula sulla strada
ma in mezzo al fuori anche fuori di là
ho chiesto al meglio della mia faccia
una polemica di dignità
tante le grinte, le ghigne, i musi,
vagli a spiegare che è primavera
e poi lo sanno ma preferiscono
vederla togliere a chi va in galera
e poi lo sanno ma preferiscono
vederla togliere a chi va in galera.
Tante le grinte, le ghigne, i musi,
poche le facce, tra loro lei,
si sta chiedendo tutto in un giorno
si suggerisce, ci giurerei,
quel che dirà di me alla gente
quel che dirà ve lo dico io
da un po’ di tempo era un po’ cambiato
ma non nel dirmi amore mio,
da un po’ di tempo era un po’ cambiato
ma non nel dirmi amore mio.
Certo bisogna farne di strada
da una ginnastica d’obbedienza
fino ad un gesto molto più umano
che ti dia il senso della violenza
però bisogna farne altrettanta
per diventare così coglioni
da non riuscire più a capire
che non ci sono poteri buoni,
da non riuscire più a capire
che non ci sono poteri buoni.
E adesso imparo un sacco di cose
in mezzo agli altri vestiti uguali
tranne qual’è il crimine giusto
per non passare da criminali.
C’hanno insegnato la meraviglia
verso la gente che ruba il pane
ora sappiamo che è un delitto
il non rubare quando si ha fame
ora sappiamo che è un delitto
il non rubare quando si ha fame.
Di respirare la stessa aria
dei secondini non ci va
e abbiam deciso di imprigionarli
durante l’ora di libertà
venite adesso alla prigione
state a sentire sulla porta
la nostra ultima canzone
che vi ripete un’altra volta
per quanto voi vi crediate assolti
siete per sempre coinvolti,
per quanto voi vi crediate assolti
siete per sempre coinvolti.
Pendant mon heure de liberté
Respirer le même air
qu’un maton ça ne me dit rien,
c’est pourquoi j’ai décidé de renoncer
à mon heure de liberté.
s’il y a quelque chose à partager
entre un prisonnier et son matuche
qui ne soit pas l’air de cette cour
je veux que ce soit seulement la prison,
qui ne soit pas l’air de cette cour
je veux que ce soit seulement la prison.
Ça a commencé une heure avant
et une heure plus tard c’était déjà fini
j’ai vu des gens venir seuls
et puis ensemble aller vers la sortie.
Je ne m’attendais pas à votre erreur
hommes et femmes de la Cour
si j’avais été à votre place…
mais à votre place je ne veux pas y être
si j’avais été à votre place…
mais à votre place je ne veux pas y être.
A l’extérieur de la salle dans la rue,
mais à moitié en dehors, même sorti de là,
j’ai demandé au meilleur de ma figure
une polémique dignité,
Toutes ces tronches, sales gueules, trombines,
va leur expliquer que c’est le printemps
et puis ils le savent et ils préfèrent qu’on
le retire à ceux qui vont en prison
et puis ils le savent et ils préfèrent qu’on
le retire à ceux qui vont en prison.
Tant de tronches, de sales gueules, de trombines,
et si peu de visages, et parmi eux , elle
en train de se demander tout le même jour
elle évoque, j’en jurerais
ce qu’elle dira de moi aux gens
ces derniers temps il avait un peu changé
mais pas dans sa façon de me dire mon amour,
ces derniers temps il avait un peu changé
mais pas dans sa façon de me dire mon amour.
Certes il faut en faire du chemin
dans une gymnastique d’obéissance
jusqu’à un geste beaucoup plus humain
qui te donne le sens de la violence,
mais il faut en faire tout autant
pour devenir tellement couillons
au point de ne plus pouvoir comprendre
qu’il n’y a pas de bons pouvoirs
au point de ne plus pouvoir comprendre
qu’il n’y a pas de bons pouvoirs.
Et maintenant j’apprends un tas de choses
au milieu des autres tous habillés pareil
sauf savoir quel est le bon crime pour
ne pas passer pour un criminel.
On nous a appris à nous étonner
des gens qui volent du pain
maintenant nous savons que c’est un délit
de ne pas voler quand on a faim,
maintenant nous savons que c’est un délit
de ne pas voler quand on a faim.
Respirer le même air
que les matons ça ne nous dit rien
et nous avons décidé de les emprisonner
pendant l’heure de liberté.
Venez maintenant à la prison
restez pour écouter à la porte
notre dernière chanson
qui vous répète encore une fois:
« même si vous vous en foutez
chacun de vous est concerné,
même si vous vous en foutez,
chacun de vous est concerné.
Anche se il nostro maggio
Même si notre mois de mai
Ha fatto a meno del vostro coraggio
A été fait sans votre courage,
Se la paura di guardare
Si la peur de regarder
Vi ha fatto chinare il mento
Vous a fait baisser les yeux,
Se il fuoco ha risparmiato
Si le feu a épargné
Le vostre Millecento
Vos Fiat Millecento
Anche se voi vi credete assolti
Même si vous vous croyez absous
Siete lo stesso coinvolti.
Vous êtes impliqués tout de même.
E se vi siete detti
Et si vous vous êtes dits
Non sta succedendo niente,
Qu’il ne se passe rien,
Le fabbriche riapriranno,
Que les usines rouvriront,
Arresteranno qualche studente
Qu’ils arrêteront quelques étudiants,
Convinti che fosse un gioco
Si vous êtes convaincus que c’est un jeu
A cui avremmo giocato poco
Auquel nous aurions joué un peu,
Provate pure a credevi assolti
Vous essayez pourtant de vous croire absous
Siete lo stesso coinvolti.
Vous êtes impliqués tout de même.
Anche se avete chiuso
Même si vous avez fermé
Le vostre porte sul nostro muso
Vos portes devant nous
La notte che le pantere
Durant la nuit où les panthères
Ci mordevano il sedere
Etaient à nos trousses,
Lasciamoci in buonafede
Même si vous nous avez laissé massacrés
Massacrare sui marciapiedi
De bonne foi sur les trottoirs,
Anche se ora ve ne fregate,
Même si maintenant vous n’en avez rien à foutre,
Voi quella notte voi c’eravate.
Vous, cette nuit-là, vous y étiez.
E se nei vostri quartieri
Et si dans vos quartiers
Tutto è rimasto come ieri,
Tout est resté comme hier,
Senza le barricate
Sans les barricades,
Senza feriti, senza granate,
Sans blessés, sans grenades,
Se avete preso per buone
Si vous avez pris pour bon compte
Le « verità » della televisione
La « vérité » de la télévision,
Anche se allora vi siete assolti
Même si vous vous êtes alors absous
Siete lo stesso coinvolti.
Vous êtes impliqués tout de même.
E se credente ora
Et si vous croyez maintenant
Che tutto sia come prima
Que tout est rentré dans l’ordre
Perché avete votato ancora
Parce que vous avez voté encore
La sicurezza, la disciplina,
La sécurité, la discipline,
Convinti di allontanare
Convaincus d’avoir éloigné
La paura di cambiare
La peur du changement,
Verremo ancora alle vostre porte
Nous viendrons encore frapper à vos portes
E grideremo ancora più forte
Et nous crierons encore plus fort.
Per quanto voi vi crediate assolti
Pour combien de temps vous croyez-vous absous ?
Siete per sempre coinvolti,
Vous êtes pour toujours impliqués.