En 1977, Adamo, au fait de sa gloire, rencontre un journaliste, torturé par la police franquiste. Bouleversé, il affûte sa plume et sors de ses tubes faciles (pardon pour Tombe la neige!) pour écrire Manuel.
Le texte est poétique et allégorique. Les tourmentés du monde entier s’y retrouveront… qu’ils aient été torturés ou simplement battus, enfermés, insultés et méprisés.
Merci à Adamo pour cette chanson qui, tiens-tiens, demeure toujours interdite en Espagne!
Voir Tyrannie, dans la rubrique Analyses, ainsi qu’Espagne 36 – révolution, contre-révolution et chansons, dans la rubrique Divers.
Pour la continuité de la révolution en Espagne, après 39, à lire un ouvrage collectif de 1985, Histoire désordonnée du MIL, aux éditions l’échappée.
https://www.youtube.com/watch?v=CNymqP2AUec
Paroles
Manuel
Dis-moi, mon ami l’arbre
As-tu vu Manuel?
Je l’ai vu l’autre dimanche
Lâcher des colombes blanches
Au nez des gendarmes qui le croyaient fou
Il a retroussé ses manches
Noué sa corde à ma branche
Il se l’est passée au cou
Les gendarmes riaient beaucoup
Mais moi, quitte à leur déplaire
Moi, le chêne centenaire
Comme un roseau j’ai ployé
Pour que ses pieds touchent terre
Mais demande à la rivière
S’il ne s’y est pas noyé
Rivière (rivière) as-tu vu Manuel? (As-tu Manuel ?)
Il m’a confié sa prière
Il a embrassé sa terre
Le soleil indifférent brillait bien haut
Il a choisi une pierre
Se l’est liée en bandoulière
Il a sauté dans mon eau, mais
Je suis devenue bateau
Car moi je voulais qu’il vive
Moi, je voulais qu’il me suive
Et loin des terres captives
Je l’ai posé sur ma rive
Mais demande à la montagne
S’il ne s’y est écrasé
Montagne (montagne) as-tu vu Manuel? (As-tu vu Manuel?)
Il a grimpé sur ma cime
Pour y crier tous les crimes
Qui resteront méconnus et impunis
Il a pleuré l’innocence
De tous ses amis d’enfance
Qu’on a traînés en silence
Vers la nuit
Alors moi qui suis montagne
Je me suis faite vallée
Il avait la foi qui gagne
Et je me suis déplacée
Tu peux dire à sa compagne, que
Je ne l’ai pas tué
Mais va donc voir jusqu’au bagne
S’il n’y est pas enfermé
Geôlier, as-tu vu Manuel?
Les Manuel, j’en vois grand nombre
Mais je ne connais que leur ombre
Leurs fantômes qui me tournent le dos
Il disent tous des choses étranges
Qu’il faudrait que « les temps changent »
Des rêveurs qui se seraient donné le mot
Moi, j’écoute sans comprendre
Je suis payé pour ne rien entendre
Moi, je ne peux qu’oublier
Je n’ai pas de main à tendre
Mais demande à la lumière
Il l’a si longtemps cherchée
Lumière (lumière) as-tu vu Manuel? (As-tu vu Manuel?)
On m’avait laissée pour morte
Mais je brille beaucoup plus forte
Car Manuel m’a rallumée
Au feu de la liberté
Nul ne pourra me soumettre
Et j’aveuglerai mes maîtres
Et j’embraserai le ciel
Car voici, grâce à Manuel
Qu’on commence à me connaître
À Grenade et à Teruel
On commence à me connaître
À Grenade et à Teruel