Yves Simon n’est pas à proprement parler un contestataire, mais, à l’instar d’autres chanteurs de variété, influencé par mai 68, et nourri de son indignation, il produit, en 1973, deux perles insolentes : contre les merdias, Mass media song, et contre l’urbanisation brutale, la gentrification et autres profiteurs, Les promoteurs : « Tous les arbres de Paris/Viennent de prendre un fusil/Pour percer des trous au cœur/Aux armées de promoteurs. »
Ecoutons d’abord Mass media song, plus que jamais d’actualité:
Mass media song – Recherche Google
Voir, Variétoche 3, dans la rubrique Divers, où nous présentons une autre chanson de Yves Simon, Police parano blues.Les promoteurs pose tout simplement la question de la violence sociale, humaine, saine, légitime, contre toute l’inhumanité du monde de l’argent. Ce qui différencie cette chanson des pleurnicheries écologistes c’est bien la proposition de nous armer, de nous défendre, de ne plus subir, de rendre coup pour coup : « Plus question de sentiment/Arbre pour arbre, dent pour dent. »
A l’opposé, à la fin du clip officiel du con-consensuel Aux arbres, citoyens de Yannick Noah, on voit les enfants révoltés main dans la main avec les maîtres du monde qui ont compris le message! C’est l’antithèse à la perspective que souhaite et propose cette vigoureuse chanson d’Yves Simon.
En 2013, en Turquie, la révolte est partie d’une résistance déterminée contre l’abattage de dizaines d’arbres du parc Gesi, à Istanbul. Cette action a mis le feu aux poudres du ras-le-bol généralisé : occupation de la place Taksim, un mois d’affrontements dans tout le pays, une brutalité policière inouïe (6 morts officiellement, des milliers de blessés), mais aussi des flics qui désertent, d’autres qui se suicident, etc. La parole a été libérée par notre force sociale : en plus des grèves, manifestations, organisation, armement, etc., les minorités ont cohabité dans la joie, rejetant le terrible racisme turc, les hommes et les femmes ont dansé ensemble dans la rue, défiant l’étouffante morale religieuse, les solidarités actives contre la répression se sont généralisées, etc.
Ne sommes-nous pas de la même essence que le végétal, l’animal, le minéral et le sidéral? Nos frères arbres? Nos sœurs abeilles? Notre Terre Mère? La Pacha Mama! Une pause avec Isabel Ruiz et sa magnifique chanson En el Cielo y en la Tierra :
Les promoteurs est pensée et assumée comme d’essence cosmogonique… qu’on trouve par exemple chez les Bishnoïs, en Inde, qui se savent de même nature que les arbres. Lire à ce propos le beau livre d’Irène Frain, La forêt des 29 (2011).
Le baron perché, d’Italo Calvino (1955), sera lu avec plaisir par les amoureux des arbres !
Ne sommes-nous pas de magnifiques poussières d’étoiles ?
Paroles
Tous les arbres de Paris
Viennent de prendre un fusil
Pour percer des trous au cœur
Aux armées de promoteurs
Qui détruisent tous les squares
Comme Attila le barbare
Quand un promoteur est roi
Les arbres ne repoussent pas.
Deux cents arbres de rasés
Deux cents promoteurs tués
Plus question de sentiment
Arbre pour arbre, dent pour dent
Ils arrivent loin derrière
Leurs armées de bulldozers
Depuis leurs grues miradors
Ils veillent si le peuple dort
Un bout de terrain un building
Une résidence grand standing
Depuis les Hauts de Vincennes
On voit New York et la Seine
Vivez au-dessus des mouches
Un grand deux-pièces avec douche
Vivre haut c’est vivre riche
Venez consulter nos fiches
Tous les arbres de Paris
Viennent de prendre un fusil
Pour percer des trous au cœur
Aux armées de promoteurs