Les paroles et la musique de cette chanson sont de Gustave Nadaud. La date reste imprécise, dans les années 1860 en tout cas, ce que l’on sait c’est qu’elle a été aussitôt interdite en France.
Cette chanson est une véritable scène de cinéma : nous voyons l’action, parfaitement décrite, nous sommes aux premières loges de ce drame.
L’histoire se passe en 1860, lors de l’expédition dite des Mille de Garibaldi, en Sicile. Garibaldi a une réputation de libérateur que les gauchistes lui ont construite. En fait, c’est un chef de guerre comme les autres. Les gauchistes aiment voir en lui le réalisateur des « tâches démocratiques bourgeoises », républicaines, nationalistes, correspondant en fait au développement du capital. Pourquoi refuser alors ce titre à un Bismarck, qui a, lui, unifié l’Allemagne grâce à la guerre ? Les prolétaires étaient autant dans la misère avant l’unification de l’Italie qu’après. Garibaldi a d’ailleurs passé une grande partie de sa vie à réprimer des soulèvements populaires. Bref, encore un qui a une réputation usurpée !
Voir Brigante se more, de Carlo D’Angio, en 1979, qui retrace la geste des résistants au rouleau compresseur nationaliste italien, sauce Garibaldi. Voir texte en napolitain et en français plus bas. On écoute et on peut danser !
Le soldat de Marsala n’est peut-être pas un chant révolutionnaire, mais il met en avant, avec émotion, l’inhumanité du capitalisme, dont la guerre contre nous est quotidienne, mais qui a besoin régulièrement de guerre ouverte, nations contre nations, pour éliminer du surplus ! Le soldat de Marsala est devenu un pilier du répertoire pacifiste dont le refrain fera date et qui sera repris depuis lors tel quel : « Que maudite soit la guerre ! »
Pas étonnant que tant de chanteurs l’aient mis à leur répertoire, Marc Ogeret, Francesca Solleville, Gilles Elbaz, Serge-Utgé Royo, etc., et tant de chorales de chants de lutte.
S’il devait y avoir une morale à cette chanson, c’est de lutter avant qu’il ne soit trop tard, mais l’humanité est faite ainsi qu’il faut qu’elle souffre beaucoup avant de réagir ! Voir Déserteurs dans la rubrique Divers.
Formidable empathie de Nadaud pour ce jeune homme, tueur par accident (chance ou adresse), qu’il arrive si bien à nous faire partager.
Ecoutons la version de Marc Ogeret, en 1980… avec, pourquoi pas, un verre de Marsala !
Paroles
Le soldat de Marsala
Nous étions au nombre de mille
Venus d’Italie et d’ailleurs
Garibaldi, dans la Sicile
Nous conduisait en tirailleurs
J’étais un jour seul dans la plaine
Quand je trouve en face de moi
Un soldat de vingt ans à peine
Qui portait les couleurs du roi
Je vois son fusil se rabattre
C’était son droit, j’arme le mien
Il fait quatre pas, j’en fais quatre
Il vise mal, je vise bien.
Ah! Que maudite soit la guerre
Qui fait faire de ces coups-là
Qu’on verse dans mon verre
Le vin de Marsala!
Il fit demi-tour sur lui-même.
Pourquoi diable m’a-t-il raté?
Pauvre garçon! il était blême
Vers lui je me précipitai.
Ah! je ne chantais pas victoire
Mais je lui demandai pardon
Il avait soif, je le fis boire
D’un trait il vida mon bidon.
Puis je l’appuyai contre un arbre
Et j’essuyai son front glacé.
Son front sentait déjà le marbre
S’il pouvait n’être que blessé…
Ah! Que maudite soit la guerre
Qui fait faire de ces coups-là
Qu’on verse dans mon verre
Le vin de Marsala!
Je voulus panser sa blessure
J’ouvris son uniforme blanc
La balle, sans éclaboussure
Avait passé du cœur au flanc.
Entre le drap et la chemise
Je vis le portrait en couleurs
D’une femme vieille et bien mise
Qui souriait avec douceur.
Depuis, j’ai vécu Dieu sait comme,
Mais tant que cela doit durer
Je verrai mourir le jeune homme
Et la bonne dame pleurer.
Ah! Que maudite soit la guerre
Qui fait faire de ces coups-là!
Qu’on emporte mon verre!
C’était à Marsala.
Brigante se more
Avimme pusate chitarre e tammure
pecchè sta musica s’ha da cagnà.
Simme brigant’ e facimme paura
e ca sch’uppetta vulimme cantà
e ca sch’uppetta vulimme cantà.
E mo cantam’ ‘sta nova canzone
tutta la gente se l’ha da ‘mparà.
Nun ce ne fott’ do’ re Burbone
a terra è a nosta e nun s’ha da tuccà
a terra è a nosta e nun s’ha da tuccà.
Tutt’ e païse da Bas’l’cat’
se so’ scetat’ e mo stann’ a luttà
pure a Calabbria mo s’ è arravutat’
e ‘stu nemic’ o facimm’ tremmà
e ‘stu nemic’ o facimm’ tremmà.
Chi ha vist’ o lupo e s’ è mise paur’
nun sape büon qual’ è ‘a ver’tà
o ver’ lup’ ca magn’ e creatur’
è o piemuntese c’avimm’ ‘a caccià
è o piemuntese c’avimm’ ‘a caccià.
Femm’na bell’ ca dat’ lu cor’
se ‘stu brigant’ u vulit’ salvà
nun c’ cercat’ scurdat’v’ o nome
chi ce fa a guerra nun tien’ a pietà
chi ce fa a guerra nun tien’ a pietà.
‘Omm’ s’ nasc’ brigant’ s’ mor’
ma fin’ all’utm’ avimm’ a sparà
e se murim’ menat’ nu fior’
e ‘na bestemmia pe’ ‘sta libertà
e ‘na bestemmia pe’ ‘sta libertà.
On meurt brigands
Nous avons posé guitares et tambours,
Car cette musique doit changer
Nous sommes des brigands, nous faisons peur,
C’est avec nos fusils que nous voulons chanter,
C’est avec nos fusils que nous voulons chanter.
On va chanter cette nouvelle chanson,
Tout le monde doit l’apprendre.
On s’en fout du roi Bourbon,
C’est notre terre, et personne n’y touche,
C’est notre terre, et personne n’y touche.
Tous les villages de la Basilicate
Se sont soulevés et veulent lutter,
Même la Calabre s’est révoltée,
Et cet ennemi, on va le faire trembler,
Et cet ennemi, on va le faire trembler.
Qui a vu le loup et a eu peur
Ne connaît pas encore la vérité
Le vrai loup qui dévore les enfants
C’est le Piémontais qu’on doit chasser,
C’est le Piémontais qu’on doit chasser.
Belles femmes qui donnez votre cœur,
Si vous voulez sauver le brigand,
Ne le cherchez pas, oubliez son nom:
Celui qui nous combat n’a pas de pitié,
Celui qui nous combat n’a pas de pitié.
On naît hommes, on meurt brigands,
Mais jusqu’au dernier nous devons tirer.
Et si nous mourons, apportez une fleur
Et un juron pour cette liberté,
Et un juron pour cette liberté.