Dans deux chansons, La Carmagnole et Les voyages du bonnet rouge, dans la rubrique Analyses, nous effleurons cette période, appelée Révolution française. Cette fois-ci nous présentons une autre chanson emblématique de ces année socialement agitées, La guillotine permanente. Elle est anonyme et datée de 1793.
D’abord, on s’écoute l’interprétation de Catherine Ribeiro, en 1988, sur l’album 1989… déjà !
Catherine Ribeiro – La Guillotine Permanente – YouTube
L’essence de cette chanson n’est-elle pas de revendiquer la violence révolutionnaire, au-délà de l’instrument hyper-médiatisé du docteur Guillotin ? Notre classe sociale est historiquement contrainte d’utiliser la violence révolutionnaire pour défaire à jamais ce monde brutal et inhumain, le capitalisme. Pour nous défendre, pour que la peur change de camp… ce qui s’est effectivement passé en 1789 !
L’idéologie républicaine sera, à partir de 1789, extrêmement dommageable aux mouvements de libération, et pas uniquement en France.
Les nouveaux maîtres, républicains, ont su manœuvrer avec une ravageuse habileté ! Et de dévier la juste colère populaire contre les seuls prêtres, alors que notre cours naturel était de zigouiller ces nouveaux princes ! Cette campagne prit le nom de « déchristianisation », pendant la période dite de la Terreur. Et de massacrer environ 6000 curés, dont nous ne pleurerons pas le sort… Ce n’était pas du pain et des jeux, mais presque : abuser le peuple, le mystifier et le détourner de ses véritables préoccupations et buts. La révolution était galvaudée, le nouveau pouvoir sauvé !
D’ailleurs, la guillotine va très vite devenir haïe des prolétaires qui en seront les principales victimes. Voir le passage où nous développons cette question dans George Brassens, dans la rubrique Divers, et sa célèbre chanson Le Gorille !
En 1887, Jules Jouy écrit un poème, La Veuve, qu’il lira abondamment dans les cabarets de Paris. En 1924, Pierre Larrieu l’habille de notes de musique. Damia lui donne sa voix :
https://www.youtube.com/watch?v=oxFbVUNr-0g
On lira avec intérêt le livre de Pierre Kropotkine (1909) La grande révolution (1789-1793) sur papier ou ici, à l’écran :
Kropotkine Pierre – La Grande Révolution (1789-1793) (marxists.org)
Un des intérêts de ce livre est de montrer que 1789 est le résultat de nombreuses luttes antérieures, et depuis longtemps, une lame de fond destructrice du Vieux monde.
La lecture de deux autres ouvrages de référence ne sera pas inutile :
- Le Manifeste des plébéiens, de Gracchus Babeuf (1795), aux éditions Mille et une nuits ;
- Conspiration pour l’égalité, dite de Babeuf, de Philippe Buonarroti (1850), aux éditions La fabrique.
Paroles
La guillotine permanente
Le député Guillotin
Dans la médecine
Très expert et très malin
Fit une machine
Pour purger le corps français
De tous les gens à projets
C’est la guillotine, ô gué!
C’est la guillotine!
Pour punir la trahison
La haute rapine,
Ces amateurs de blasons,
Ces gens qu’on devine,
Voilà pour qui l’on a fait
Ce dont on connaît l’effet,
C’est la guillotine, ô gué!
C’est la guillotine!
À force de comploter
La horde mutine
A gagné sans y penser
Migraine maline
Pour guérir ces messieurs-là,
Un jour on les mènera
À la guillotine, ô gué!
À la guillotine!
De la France, on a chassé
La noble vermine
On a tout rasé, cassé
Et tout mis en ruine
Mais de noble, on a gardé
De mourir le cou tranché
Par la guillotine, ô gué!
Par la guillotine!
Messieurs les nobles mutins
Dont chacun s’échine
Soufflant par des efforts vains
La guerre intestine
Si nous vous prenons vraiment
Vous mourrez très noblement
À la guillotine, ô gué!
À la guillotine!
Le dix nous a procuré
Besogne de reste
Les traîtres ont abondé
C’est pis qu’une peste
Comme on n’en veut pas manquer
On punit sans déplanter
La machine reste, ô gué!
La machine reste!
La Veuve
La Veuve, auprès d’une prison,
Dans un hangar sombre demeure.
Elle ne sort de sa maison
Que lorsqu’il faut qu’un bandit meure.
Dans sa voiture de gala
Qu’accompagne la populace
Elle se rend, non loin de là,
Et, triste, descend sur la place.
Avec des airs d’enterrement,
Qu’il gèle, qu’il vente ou qu’il pleuve,
Elle s’habille lentement,
La Veuve.
Les témoins, le prêtre et la loi
Voyez, tout est prêt pour la noce ;
Chaque objet trouve son emploi :
Ce fourgon noir, c’est le carrosse.
Tous les accessoires y sont :
Les deux chevaux pour le voyage
Et le grand panier plein de son :
La corbeille de mariage.
Alors, tendant ses longs bras roux,
Bichonnée, ayant fait peau neuve,
Elle attend son nouvel époux,
La Veuve.
Voici venir le prétendu
Sous le porche de la Roquette.
Appelant le mâle attendu,
La Veuve, à lui s’offre, coquette.
Tandis que la foule, autour d’eux,
Regarde frissonnante et pâle,
Dans un accouplement hideux,
L’homme cracher son dernier râle.
Car les amants, claquant du bec,
Tués dès la première épreuve,
Ne couchent qu’une fois avec
La Veuve.
Tranquille, sous l’œil du badaud,
Comme, en son boudoir, une fille,
La Veuve se lave à grande eau,
Se dévêt et se démaquille.
Impassible, au milieu des cris,
Elle retourne dans son bouge,
De ses innombrables maris
Elle porte le deuil en rouge.
Dans sa voiture se hissant,
Goule horrible que l’homme abreuve,
Elle rentre cuver son sang,
La Veuve.