Indochine-Vietnam : bring the war home !


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Il a fallu trente ans de massacres pour casser le mouvement de révoltes, en Indochine… d’abord, de 1946 à 1954, par l’armée française, puis de 1955 à 1975, par l’armée américaine.

La vie quotidienne des Indochinois est extrêmement pénible. Les conditions d’exploitations sont infernales, on peut parler sans problème d’esclavage. Pour nourrir leur famille nombre de filles, entre 1945 et 1975, sont obligées de se prostituer. La France organise l’esclavage sexuel dans de gigantesques BMC, les bordels militaires de campagnes.

Depuis 1858, pendant la période coloniale française, la population est en butte à un racisme fortement ancré : pour les Français, l’indigène est un sauvage, dont la vie ne vaut pas grand-chose, qu’on appelle de façon méprisante, un Niakoué. Voir La fille du Bédouin dans la rubrique Pamphlets.

Il y a peu de chansons, en français, contre la guerre en Indochine.

Han Coolie Han !, a été écrite, dans les années trente, par Fritz Hoff et Louis Aragon, et dénonce l’exploitation des coolies, en Indonésie, semblable à celle d’Indochine. Ici, la vigoureuse version de Catherine Sauvage :

Maurice Fanon, avec Les orgues de Monsieur Johnson, dénonce avec vigueur, en 1968, ces décennies de guerre : « Puisque aujourd’hui la mode depuis plus de vingt ans/Est à bouffer du Viet, allez-y, bouffez-en. »

Une autre chanson fera scandale et sera d’ailleurs censurée en France, c’est Un air de liberté, chantée par Jean Ferrat en 1975. Voir notre point de vue sur cette chanson dans la rubrique Divers, consacrée à Jean Ferrat.

En 1974, Anne Vanderlove dénonce les silences des merdias complices des massacres de l’armée française, avec Quand Vietnam s’appelait Indochine.

Les moindres velléités de rébellion sont noyées dans le sang. La torture est quotidienne, le camp de concentration de Poulo Condor plein à craquer.

En mai 1930, la montée des impôts rend encore plus insupportable la présence coloniale et une mutinerie éclate à Yen Bay, réprimée dans le sang.

En 1937, un ensemble de soulèvements armés secoue quasiment tout le pays. L’agitation perdurera pendant des années, sous le joug japonais, puis français, puis américain.

Après la guerre, et ce, mondialement, un puissant mouvement de contestation de l’ordre colonialiste a lieu. Ces grèves, révoltes, insurrections sont, pour la plupart, confisquées par l’idéologie nationaliste, mise en avant par les différents PC locaux. Quelques exemples : Algérie, Cameroun, Congo, Cuba, Madagascar, Inde, etc.

Boris Vian publie son Déserteur le jour de la défaite de l’armée française, à Diên Biên Phu, en mai 1954. Ceci dit, il semblerait que ce soit un hasard. Cependant elle sera chantée par les pacifistes américains (Joan Baez, Peter, Paul and Mary, etc.) contre la guerre au Vietnam.

Les seules batailles que l’armée française a gagnées sont contre notre classe sociale en lutte : en 1944 au Sénégal, en 1945 en Syrie et en Algérie, en 1947 à Madagascar…

En Afrique du nord, en Afrique noire, en Asie, aux Antilles, depuis deux siècles, combien de millions de tués, torturés, violés, terrorisés ?

Voir Guerre d’Algérie, dans la rubrique Divers.

Le résultat de huit années de guerre, en Indochine, se soldera par 80.000 morts français et un million d’Indochinois. L’armée française entame aussitôt, en 1954, une seconde guerre, en Algérie, qu’elle perdra également, en 1962. On parlera plus, en France, de cette dernière car, pour celle-là, ce sont les appelés du contingent qui seront mobilisés.

Pour en savoir plus, en particulier sur les luttes sociales en Indochine, avant 1945, deux livres de Ngô Van : d’abord, Viêt Nam 1920-1945 : révolution et contre-révolution sous la domination coloniale, ensuite, Au pays de la cloche fêlée, tous deux publiés aux éditions L’Insomniaque.

Les Surréalistes publient un tract, en avril 1947, contre la guerre au Vietnam, intitulé Liberté est un mot vietnamien :

https://www.andrebreton.fr/work/56600100866210

Pendant la période guerrière américaine, une chanson, écrite en 1965 par The Animals, We gotta get out of this place (Nous devons nous échapper d’ici), est très appréciée par les soldats américains au Vietnam. Son intérêt est qu’elle resitue le débat sur le terrain social :

Petit retour en arrière.

Pour le Parti Communiste Indochinois le danger ce sont les luttes sociales qui pourraient le renverser. Ainsi, en 1945, en plein mouvement de luttes du prolétariat indochinois, alors que la famine fait rage faisant presque un million de morts, Hô Chi Minh, l’Oncle Hô, en appelle à… l’Oncle Sam : d’abord pour bouter les Japonais hors de la région, ensuite pour chasser les Français.

En août 1945, les USA lancent leurs bombes sur Hiroshima et Nagasaki, le Japon capitule et quitte l’Indochine.

Sans tarder, Hô Chi Minh déclare l’indépendance du pays, fortement soutenue par les Etats-Unis, et prône l’union sacrée, déclarant « la lutte pour la révolution nationale et démocratique et l’union des riches, notables, soldats, ouvriers et paysans. »

Surtout pas de lutte de classe!

De Gaulle, soutenu par les ministres staliniens, envoie aussitôt les paras, la légion étrangère, ainsi que des troupes africaines pour contrer l’influence du PCI, appelé Viet Minh. L’armée française n’hésitera pas à utiliser le fameux napalm, pratique bientôt généralisée par l’armée américaine.

Cette invasion militaire, terroriste, provoque un mouvement insurrectionnel, en septembre 1945, à Saigon, désavoué par le Viet Minh, qui préfère négocier avec la France… de bourgeois à bourgeois, quoi !

En 1946, nouvelles réactions des prolétaires, de nouveau désavouées par le Viet Minh, qui a du mal à encadrer et discipliner ces prolétaires combatifs.

Ce mouvement de révolte aurait pu être liquidé par l’armée française sur place, si celle-ci n’avait du se déplacer à Madagascar, en 1947, pour liquider la révolte… dans un massacre épouvantable qui fera environ 100.000 morts.

Pour asseoir son pouvoir, le Viet Minh organise une répression systématique des militants révolutionnaires et leurs sympathisants, c’est-à-dire des dizaines de milliers de gens ! Tortures, assassinats, prisons, disparitions, etc.

A partir de 1945, les Indochinois sont donc pris en tenaille entre le Viet Minh et l’armée française. Le PCI n’aura de cesse d’exacerber le nationalisme au détriment du terrain social.

En 1950, guerre froide oblige, les Etats-Unis changent d’alliance et soutiennent la France, avec du matériel, des conseillers militaires, mais aussi financièrement.

Parallèlement, les Etats-Unis font la guerre en Corée de 1950 à 1953.

La France perd donc la guerre, en mai 1954, et négocie avec Hô Chi Minh la partition du pays. Selon les accords de Genève, les troupes françaises passent du nord au sud et les troupes vietminh du sud au nord.

Petite anecdote qui fait du bien : en 1954, quand les soldats rentrent à Marseille, les dockers leur jettent des pierres !

Le chanteur Antoine nous offre, en 1966, deux chouettes chansons, La guerre et Pourquoi ces canons ?, une excellente compréhension du rôle de la guerre comme moteur de l’économie :

Il faut faire attention à l’explication simpliste des guerres, selon des critères strictement nationalistes. Il faut s’imaginer les profits énormissimes de l’industrie de guerre. Un seul chiffre nous éclairera : l’armée US déversera, au Vietnam, 7 millions de tonnes de bombes, c’est-à-dire trois fois plus que pendant toute la dernière guerre. De plus, un nombre équivalent de bombes a été aussi déversé sur le Laos et le Cambodge voisins.

A partir de 1954, l’Indochine, devenu le Vietnam, est donc coupée en deux, de part et d’autre du célèbre 17ème parallèle. Le sud, soutenu par les Etats-Unis, qui mettent en place un gouvernement fantoche, dirigé par Diêm, a pour capitale Saigon, tandis qu’au nord, c’est Hanoï la capitale. La répression des luttes sociales va se poursuivre tant au sud qu’au nord. Au sud, Diêm torture et fusille tous les résistants… lesquels sont lâchés par Hô Chi Minh, qui leur demande de mener une lutte pacifique et respecter les accords de Genève, car il veut d’abord « consolider le socialisme au nord » ! Et ce, jusqu’en 1961 ! Ne luttez pas ! Subissez en silence ! Diêm-Hô Chi Minh, même combat, contre notre classe sociale.

Mais, au nord, le socialisme passe aussi par l’élimination des résistants et la mise au pas des autres, leur embrigadement dans une armée conventionnelle.

Pour prendre un exemple, sous le nouveau régime marxiste-léniniste, on estime à 50.000 exécutions publiques, l’opération de terreur, intitulée « réforme agraire radicale », de 1954 à 1957.

Quoi de mieux qu’une guerre nationale pour resserrer les liens, pour gommer les clivages de classe, pour casser un mouvement révolutionnaire… au nom de la révolution !

La dite guerre du Vietnam, qui ne sera jamais officiellement déclarée, durera jusqu’en 1975, et verra cinq présidents américains la défendre, la justifier, l’imposer : Truman (de 1945 à 1953), Eisenhower (de 53 à 61), Kennedy (de 61 à 63), Johnson (de 63 à 69) et enfin, Nixon (de 69 à 1974). Mais, c’est Kennedy, à la réputation usurpée, qui intensifiera l’intervention américaine et autorisera l’usage des célèbres défoliants. L’engagement est progressif et le saut quantitatif se fera à partir de 1963, avec l’envoi massif de troupes au sol… qui seront bientôt un demi-million. Rappelons qu’aux USA ce seront les soldats du contingent qui partiront au Vietnam.

Au nord du Vietnam, le FLN, Front de Libération Nationale, sous la direction du parti communiste, dirigé par Hô Chi Minh crée, en 1960, le Vietcong, en remplacement du Viet Minh. Sa propagande rallie de nombreux prolétaires du sud, affamés et haïssant le régime dictatorial de Diêm.

Le peuple indochinois est donc tiraillé entre l’armée du sud-Vietnam, équipée, encadrée, armée par les Etats-Unis et l’armée Vietcong, soutenue par la Chine et l’URSS.

Henri Gougaud, en 1968, écrit une belle chanson, Vietnam, interprétée par Francesca Solleville :

Dans le film de Stanley Kubrik Full metal jacket, sorti en 1987, nous sommes dans un camp d’instruction des Marines, à la fin des années ’60. Un soldat tue son instructeur sadique, avant de se suicider. Voilà ce que redoute l’Etat américain : que les victimes retournent leurs armes contre lui. Et c’est pourtant ce qui va arriver, dans les années ’60, aux Etats-Unis.

Pendant la période de la guerre froide et du maccarthysme, se développent des résistances qui vont vite se transformer en luttes ouvertes, de type insurrectionnel. Le mouvement, dit des droits civiques, luttera contre le terrifiant racisme existant aux Etats-Unis. La misère extrême des ghettos noirs et chicanos donnera lieu à de gigantesques émeutes, dont les principales se situent à Watts et Newark, en 1965, et à Détroit, en 1967, ainsi qu’après l’assassinat de Martin Luther King, en 1968, dans presque deux cent villes, dont Chicago et Baltimore. Ce mouvement de contestation de l’ordre capitaliste blanc, occidental et chrétien, bénéficiera au parti des Black Panthers. Mais la contestation touche toutes les couches de la population, toutes les couleurs de peau. En 1969, à Chicago, des militants révolutionnaires passent à la clandestinité et créent le Weather Underground. Ceux-ci vont développer l’action directe, comme leurs frères d’armes des Black Panthers ou de l’American Indian Movement, contre des cibles liées au capitalisme et à la guerre. Des millions d’Américains vont s’identifier à cette résistance armée, et la soutenir.

Hélas, les manifestations de plus en plus radicales, aux Etats-Unis, n’arrivent pas à endiguer le flot de jeunes soldats qui vont perdre leur jeunesse au Vietnam. Graeme Allwright, en 1966, chante leur désespoir, avec Johnny :

Un quart des soldats américains morts au Vietnam ont été bombardés par leur propre aviation !

L’armée Vietcong était très adaptée au terrain. On connaît leurs célèbres souterrains sur plusieurs kilomètres. Ils se cachaient également sous les épaisses forêts qui empêchaient les Américains de les mitrailler à l’aise. Enfin, il fallait absolument couper la célèbre piste Hô Chi Minh, par laquelle les colonnes de Vietcongs se déplaçaient, pour ravitailler leurs troupes au sud.

Pendant trois ans, les avions B52, puis ensuite des chasseur-bombardiers, avec leurs bombes à laser, vont pilonner cette région forestière. Sans résultat notable. C’est alors que les gentils scientifiques démocrates, chrétiens et civilisés, vont décider d’utiliser des défoliants : 90 millions de litres d’agent Orange, fabriqué par Monsanto, seront déversés sur la forêt et ses habitants, entre 1961 et 1971, provoquant contamination, cancers, etc. L’épandage de l’agent Orange a provoqué une catastrophe humaine et écologique d’une ampleur gigantesque.

En 1966, Country Joe McDonald dénonce cette destruction de la population avec Agent Orange song.
Le nombre de victimes du défoliant reste encore flou. Toutefois, on estime le désastre à plus de 3000 villages arrosés et entre 2 et 5 millions de personnes directement contaminées.
En outre, la dioxine étant particulièrement stable, les sols, l’alimentation et les habitants de certaines régions sont encore actuellement contaminés, si bien que le Vietnam connaît aujourd’hui une troisième génération d’enfants atteints de malformations liées à l’agent Orange.

Les soldats US seront évidemment touchés par le poison : on estime que plus de 100.000 anciens GI souffriraient de cancers liés à la dioxine et que 3000 de leurs enfants seraient atteints de malformations.

La guerre c’est toujours une guerre contre les êtres humains, on est loin des fables nation contre nation, et la chanson de Graeme Allwright touche à cette dimension-là.

En 1968, Colette Magny écrit L’écolier soldat :

Cette chanson montre bien en quoi ce sont les bombardements inhumains, terrifiants, dévastateurs, des Américains qui poussent les populations à se battre. En 1970, l’armée américaine envahit le Cambodge voisin, dont le bombardement fera, selon la CIA elle-même, 600.000 morts. Là aussi la haine anti-américaine mettra le pied à l’étrier de Pol Pot et son régime de terreur.

Partout dans le monde, il y a une gigantesque vague de luttes révolutionnaires, à partir de 1966-67, avec une apogée en 1968-69. Partout la dénonciation de la guerre au Vietnam est mise en avant, en parallèle avec la lutte contre la  misère et l’exploitation.

Aux Etats-Unis, la contestation monte, en lien avec l’envoi massif de jeunes soldats et des pertes subies au Vietnam. Le retour des appelés dans des body bags soulève l’indignation de plus en plus de gens, surtout dans les ghettos des grandes villes. En effet, les soldats noirs forment 12% des troupes, mais ils composent plus de 25% des unités de combat. Les Weathermen popularisent le mot d’ordre : Bring the war home (Rapporte la guerre chez nous), la guerre sociale cette fois. Le défaitisme révolutionnaire va se développer.

* Des groupes politiques radicaux se forment un peu partout, clandestins pour la plupart et appelant à la lutte armée, dont voici quelques noms et actions :

La NewYears’Gang tente de bombarder, avec un avion volé, une fabrique de munition dans le Winsconsin. Les Beaver 55 sabotent les ordinateurs de Dow Chimical dans le Maryland. La Quartermoon Tribe opère à Seattle, la John Brown Revolutionary League à Houston, les Motherfuckers au Nouveau Mexique… Autour du Black Panther Party, on retrouve des groupes tels les Young Lords (portoricains), les Brown Berrets (chicanos), le Chicano Revolutionary Party, les Red Guards (sino-américains), le Black Liberation Army, le Symbionese Liberation Army, qui se veut un groupe clandestin multiracial, le Mira portoricain et le Chicano Liberation Front.

* Ces actions multiples, souvent anonymes, sont toutes tournées contre l’ennemi de classe, la bourgeoisie, et visent à stopper cette guerre. Un leader étudiant déclare, en 1968 :

« Ce qui s’est passé cette année, c’est qu’on est arrivé à la conclusion que la seule façon de mettre fin à la guerre était de faire la révolution, et que le seul moyen de mettre fin au racisme était de faire la révolution. »

La révolte se concentre sur les cibles capitalistes, sièges des multinationales impliquées dans la guerre, usines d’armement, bureaux de recrutement, agitation sur les campus de nombreuses universités.

Des marins sabotent le destroyer USS Richard B. Anderson l’empêchant de quitter le port de San Diego pour le Vietnam.

De plus en plus de personnalités du show biz, du sport et de la politique prennent publiquement position contre la guerre : Mohamed Ali, Jane Fonda, Jimi Hendrix, Angela Davis, et bien d’autres.

En 1967, Country Joe McDonald écrit I-Feel-Like-I’m-Fixin’-To-Die (Je me sens comme si j’étais sur le point de mourir), qu’il chante lors du festival de Woodstock, en août 1969 :

Nous avons trouvé une excellente version en français :

http://jbergami.chez.com/mes_disques/i_feel_like_im_fixin_to_die2.htm

La lutte au sein de l’armée américaine au Vietnam a pris des proportions incroyables, ce qui, bien sûr ne se trouve dans aucun programme d’histoire, dans aucune école. La première armée du monde n’arrive pas à venir à bout de l’armée Vietcong, malgré les bombardements, la terreur quotidienne, le napalm, les défoliants, etc.

Les soldats américains sont contaminés par la vague révolutionnaire.

Au Vietnam même, un mouvement de désertion se développe. Des réseaux connus de tous (tels RITA, FRITA, etc.) sont mis en place pour exfiltrer ceux qui désertent cette folie meurtrière.

Des journaux clandestins circulent, appelant clairement à la désertion, comme les Resistance in the Army ou le Friends of Rita.

400.000 déserteurs se cachent en Europe, des milliers d’autres au Canada, au Japon, etc.

En 1966, le taux de désertion était de 14 pour mille, en 68, de 26 pour mille et en 1970, il atteignait 52 pour mille. Entre janvier 67 et janvier 72, un total de 354.112 GI’s avaient abandonné leur poste  sans permission ; au plus fort de la guerre, on estimait qu’un GI quittait son poste toutes les 3 minutes.

En l’espace de 3 ans, un quart des forces armées avait déserté ou était enfermé dans une prison militaire.

Ceux qui ne désertent pas refusent de combattre. L’armée enregistre 68 mutineries, rien qu’en 1968.

Les autres sabotent les célèbres et terribles missions Surch and destroy (cherche et détruit) en se planquant, dès la sortie du camp, en refusant de tirer sur l’ennemi, etc. L’armée Vietcong aura une certaine connivence avec ces actions et jouera le jeu de la non agression, ce qui, en pleine guerre, mérite d’être relevé !

Tous les GI’s ont lu l’un ou l’autre des 300 journaux subversifs qui, publiés à l’étranger, souvent par des soldats eux-mêmes, arrivent clandestinement au Vietnam. Quelques exemples : Fuck the Army dans le Kentucky, Ultimate Weapon (L’arme ultime) et Fragging action dans le New Jersey, Napalm dans le Tennessee, All Hands Abandon Ship à Newport, Harass the Brass (Harcelez les officiers) dans l’Illinois, Star Spangled Bummer dans l’Ohio, et aussi Special Weapons (Armes Spéciales), I Will Fear No Evil (Je ne crains aucun enfer), Blows Against the Empire (Explosions contre l’Empire), Fed Up (Ras-le-bol), Dare to Struggle (Osez lutter), Potemkin, Up Against the Bull (Debout contre le taureau), Worker and Soldier, etc. Les militaires basés en dehors des Etats-Unis ne sont pas en reste, eux aussi s’organisent et publient des journaux contre la guerre à Paris, Kaiserslautern, Stuttgart, Francfort, avec Voice of the Lumpen, aux Philippines sort Seasick (Mal de mer), au Japon paraît Kill for Peace, produit conjointement par des Marines et des activistes japonais contre la guerre, en Angleterre sort Separated from Life, etc.

Jean Arnulf, en 1968, écrit Chante une femme :

Ben oui, la guerre c’est horrible. C’est pourquoi notre respect va à ceux qui ont lutté contre cette horreur. Notre respect va à ceux qui ont pris des risques, pour eux, pour leur famille, pour leurs camarades, pour la société toute entière. Et notre dégoût va à ceux qui les ont réprimés, qu’ils soient simples flics ou politiciens influents.

Au Vietnam la résistance continue. Au New Jersey un journal s’appelait Fragging action. Le fragging consiste à éliminer ou terroriser les officiers, pour désorganiser l’armée, l’empêcher d’être opérationnelle et éviter les combats.

Les soldats éliminaient leurs officiers les plus haïs en leur jetant une grenade à fragmentation, d’où le nom de fragging.

L’armée américaine admet avoir perdu toute trace de 1400 officiers et sous-officiers. Cela suggère qu’un quart de l’ensemble des officiers morts pendant la guerre ont été exécutés par leurs hommes et non par l’armée Vietcong, des chiffres qui n’ont aucun précédent dans l’histoire de la guerre.

L’armée américaine est désorganisée.

Deux citations du journal de soldats Right-On-Post, de Fort Ord, en Californie, « Au Vietnam, les officiers, le Commandement est le véritable ennemi (…) Notre véritable ennemi, ce sont les capitalistes qui ne voient que leur profit… Ils contrôlent l’armée qui nous envoie crever. Ils contrôlent la police qui occupe les ghettos bruns et noirs. »

Qui connait toutes ces actions, tout ce mouvement de contestation, de lutte, de résistance ? Se rend-on compte de la chape de silence orchestrée par l’Etat et ses agences de propagande ?

Il y a un documentaire très intéressant, de 2005, sur ces luttes aux Etats-Unis, intitulé Sir, no Sir !, dont on peut voir des extraits ici :

Nous sommes le 18 août 1969, à 9h du matin… et nous sommes à Woodstock. Jimi Hendrix, chargé de clore ce festival de trois jours, devait se produire à minuit, mais des problèmes techniques font que la nuit se passe sans musique. Quand Jimi monte sur scène, dans la lueur blafarde du petit matin, seule une poignée de fans transis a eu le courage d’attendre, dans la boue et les détritus, trente mille à peine, alors que la veille ils étaient 500.000. Jimi se lance dans une version subversive de l’hymne américain, The Star Spangled Banner, avec hurlements d’enfant et sifflements de bombes :

Partout dans le monde, des Comités Vietnam se créent et dénoncent l’engagement américain. D’innombrables manifestations, attaques d’ambassades américaines, sabotages divers ont lieu. L’une des  actions les plus spectaculaires a été faite, le 11 mai 1972, quand trois bombes explosent au quartier général américain à Frankfort, en Allemagne de l’ouest. La RAF, la Fraction de l’Armée Rouge, revendique l’attentat, en demandant la fin de l’intervention américaine au Vietnam. La RAF, malgré son idéologie marxiste-léniniste, a commis là une action forte, dont on peut se revendiquer. Tous ceux qui luttent aux quatre coins du monde ont salué cette action qui mettait en avant un soutien internationaliste.

La lutte de classe semble tellement éloignée des préoccupations actuelles qu’on a du mal à s’imaginer que, dans les années ’60, elle était à l’ordre du jour. Un groupe aussi connu que Credence Clearwater Revival (dont nous n’avons pas oublié l’excellente version de I put a spell on you), n’hésite pas à s’engager et propose une petite précision qui a son importance. En effet, la chanson, intitulée Fortunate son (le fils fortuné), pointe le fait que ceux qui sont envoyés au casse-pipe sont toujours les fils d’ouvriers, de pauvres, de perdants de la société. Elle date de 1969, année de la mort d’Hô Chi Minh :

Contrairement à ce que veulent entendre nos maîtres… la lutte paye. En 1965, un quart de la totalité des morts au combat étaient des noirs. En 1966, ils formaient 16%, en 68 13%, en 1970 8%. Parce qu’ils ne voulaient plus se battre contre « les Vietnamiens », mais contre leurs officiers, ceux-ci n’avaient plus d’autre choix que de les retirer de leurs unités et c’est ainsi qu’en 1972, ils ne représentaient plus que 7,6% des soldats nord-américains tombés au Vietnam.

Mais, lors du courant de contestation des années ’60, la lutte de classe a touché toutes les strates de la société. Ainsi, l’agitation dans les lycées et les universités était très forte. Le 4 mai 1970, à l’université de Kent State, dans l’Ohio, la police tire de façon démente sur des étudiants manifestant pacifiquement : 4 morts, des jeunes de 19 et 20 ans… Aussitôt, des millions de lycéens et d’étudiants se mettent en grève et les établissements ferment un à un. Dans les jours qui suivent, Neil Young écrit une chanson, Ohio, qui aura un très grand succès :

En 1973, l’armée américaine se retire progressivement du Vietnam et le Nord envahit le sud… la suite appartient à l’histoire… et il n’est plus question de lutte sociale ! Les boat people, largement médiatisés, voyaient les gens du sud fuir la terreur socialiste.

Le Vietnam s’appelle désormais République socialiste du Vietnam, mais rien n’a changé : si tu bosses et fermes ta gueule, ça va à peu près, mais si tu l’ouvres, houlala… comme ici, quoi !

Les chiffres de cette guerre sont éloquents : environ deux millions et demi de victimes vietnamiennes, civiles et militaires et 58.000 américaines… Il n’y a pas photo !

Une des leçons que la bourgeoisie américaine a tiré du Vietnam, c’est de museler la presse, de cadenasser les infos, les monopoliser et les trafiquer dans son seul intérêt.

La chanson suivante, Les balles de la civilisation, écrite en 1972, est tiré des Poèmes vietnamiens, chantés par Francesca Solleville. A partir de 3’57 :

La civilisation que représente l’Etat américain… on la lui laisse!

Savez-vous que l’après-guerre du Vietnam a été affreux pour les Vétérans ? Qu’environ 150.000 vétérans du Vietnam se sont suicidés, à leur retour… c’est-à-dire trois fois plus que pendant la guerre ! Et encore, ce chiffre ne tient pas compte de ceux, très nombreux, qui souffrent de problèmes psychologiques, des intoxiqués, de ceux qui sont en prison, parce qu’ils ont volé de quoi manger un peu, des nombreux drogués, etc.

La guerre c’est toujours contre nous, les êtres humains. Refusons-la, organisons-nous contre elle.

Notre solidarité va au peuple vietnamien, pas au Parti Communiste Indochinois qui recevait l’équivalent d’un milliard de dollars de soutien par an de la Chine et de l’URSS, pays dans lesquels les gens crevaient de faim.

Des multiples chansons sur le Vietnam, retenons-en quatre :

En 1965, de Barry McGuire, Eve Of Destruction, et de Tom Paxton, The Willing conscript; en 1966, de The Temptations, War, et de The Fugs, Kill for peace.

 


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