Avant d’entamer cette période honteuse de l’histoire de notre classe sociale, il est recommandé, voire indispensable, de relire Du pain aux oiseaux, de Jean Yanne, dans la rubrique Analyses, et 17 octobre 1961, dans la rubrique Divers. Ainsi le décor sera planté.
Dans la bande-son de la guerre d’Algérie, il y a l’incontournable Parachutiste de Maxime Le Forestier, en 1972, qui fera date. Dans celle-ci, la dénonciation des viols et de la torture lui vaudra la censure républicaine ! On se l’écoute :
Le Maxime Le Forestier de cette époque est un battant. Voir l’excellent J’m’en fous d’la France, dans la rubrique Analyses.
Nous ne pouvons sur ce site revisiter l’historique de la guerre d’Algérie. Souvenons-nous juste que les armées françaises ont conquis ce territoire, au milieu du 19ème siècle, par le fer et le sang… et les célèbres enfumades. Entre 1830 et 1849, un quart de la population locale sera anéantie !
Depuis lors, les habitants de cette région subissent le joug impérialiste français.
Quand, au sortir de la guerre, en mai 1945, les Algériens descendent dans la rue pour manifester contre l’occupation française et la misère, la gendarmerie et l’armée tirent dans le tas, sans état d’âme : la répression, dans la région de Sétif, fera environ 40.000 morts ! Le PCF, toujours à la pointe de la contre-révolution, accusera les leaders nationalistes algériens d’être « des provocateurs à gages hitlériens. »
Lire Le soldat françaoui, de Jean-Luc Debry, aux éditions L’Insomniaque (2007).
La France déclare la guerre à l’Algérie, en 1954… juste après sa défaite en Indochine.
Voir Indochine-Vietnam : bring the war home !, dans la rubrique Divers.
Aussitôt des centaines de milliers de soldats du contingent, des jeunes de 20 ans, sont envoyés en Algérie pour y guerroyer, torturer, violer, tuer, terroriser, etc. Beaucoup en reviendront traumatisés.
Hugues Aufray, en 1972, dénonce courageusement les viols en Algérie (qui font écho à tous ceux dans l’empire français) avec Fleur d’oranger :
Outre les viols collectifs encouragés, l’armée française a organisé la prostitution forcée, à grande échelle, dans les célèbres BMC, bordels militaires de campagne.
Le groupe hip-hop IAM, en 1993, avec Le soldat, dénonce très bien cette ambiance dans laquelle des milliers de jeunes Français ont été pris, car les faits décrits auraient pu se passer en Algérie: « Depuis ce jour là/J’attends. J’ai perdu mon humanité ce beau matin de printemps/En vérité je n’ai jamais su pourquoi je me bats. »
De toutes les exactions commises par l’armée française, il faut retenir le déplacement forcé de populations et leur enfermement dans des camps. Plus de 2,5 millions d’Algériens furent en effet « regroupés » au cours de ce conflit dans l’un des 2000 « centres de regroupement. »
Il faut savoir que cette politique a été maintenue et imposée par le nouveau pouvoir national-socialiste du FLN, dans les années suivantes.
En pleine guerre d’Algérie, même Léo Ferré dénoncera, en 1961, la torture avec Les temps difficiles : « Quand l’Indochine c’est terminé, où c’est-t-y qu’on pourrait s’tailler… Fil’moi ta part mon p’tit Youssef, sinon j’te branche sur l’EDF… Réponds, dis moi où est ton pote, sinon tu vas être chatouillé… Quand on questionne y’a qu’à causer… »
Voir la rubrique Analyses et la chanson Tyrannie, où cette question de la torture est développée. On parle en particulier des tortionnaires français, aguerris par leurs pratiques en Indochine et en Algérie, partis dispenser en Amérique latine leurs en-saignements !
Nous mettons en annexe, ce qu’a écrit Franz Fanon, en 1957, dans un article intitulé L’Algérie face aux tortionnaires français.
Gérard Delahaye, que ses parents destinaient à la carrière militaire, en réchappe et sort, en 2003, sur l’album Kan Tri, Le soldat d’Algérie, d’essence antimilitariste, qui dénonce les va-t-en-guerres, galonnés de salon, qui envoient les jeunes hommes tuer ou se faire tuer. Les paroles, simples et poignantes, sonnent juste. « Malheur à ceux qui envoient à la guerre/Des pauvres gens contre des pauvres gens. » On l’écoute sur notre site préféré, antiwarsongs.org :
https://www.antiwarsongs.org/canzone.php?id=40228&lang=fr
La phrase « Si j’ai tué c’était pour me défendre » illustre une pratique pensée, réfléchie, organisée, structurée, depuis longtemps, par toutes les armées du monde, qu’on peut résumer par le fameux « esprit de corps ». On le voit bien dans le film Avoir vingt ans dans les Aurès (René Vautier, 1972), où les gars sont soudés par l’obéissance, la discipline, la peur et puis les représailles, quand l’ennemi tue « un des leurs ».
Gérard Delahaye a écrit d’autres chansons contre la guerre, comme Le petit soldat, par exemple, qui parle d’un déserteur.
Voir, à propos de cet auteur, Camions, dans la rubrique Analyses.
Il y eut peu de déserteurs, pendant cette guerre, mais il y en eut ! A lire le livre de Maurienne, Le déserteur, publié la première fois en avril 1960, mais réédité, en 2005, aux éditions L’Echappée… qui retrace sa démarche de déserteur.
Après mai 68, il y aura un fort mouvement antimilitariste, en France. Lire Contingent rebelle, de Patrick Schindler, aux éditions L’Echappée, qui décrit la résistance au service militaire, dans les années 1970.
Le documentaire de Jean-Paul Mari (2017) La Bleuite, l’autre guerre d’Algérie, est intéressant à deux degrés.
D’abord, on apprend comment la terreur brute peut être conjointe avec l’astuce, la fourberie, l’intelligence machiavélique. Les deux sont conjoints. De façon habile, le docu ne parle pas une seule minute de la torture, pourtant appliquée systématiquement.
Ensuite, on voit bien que le FLN agit vis-à-vis de « sa » population comme une masse… de manœuvre. Le national-socialiste FLN a peur de la révolution, comme tous les staliniens de l’histoire ! C’est pourquoi nos lecteurs visionneront ce docu avec intérêt :
Nous ne pouvons que vous conseiller de voir, en complément à ce docu, le film La bataille d’Alger, de Gillo Pontecorvo (1966).
Peu de chanteurs osent parler de cette période. Eddy Mitchell, qu’on ne peut taxer de révolutionnaire !, en parlera, en 1987, dans sa chanson Soixante/Soixante-deux.
Voir Dodo, métro, boulot, dodo, dans la rubrique Analyses.
Conclure ? Difficile.
Les chiffres officiels parlent de 250.000 morts Algériens et 25.000 Français, soit dix fois moins.
Nous ne répéterons jamais assez qu’il y a deux classes sociales, les pauvres, les prolos, les travailleurs, les petits, etc., et ceux qui profitent de notre sueur. Deux projets historiques : l’un de vie, d’amour, de fraternité, etc., l’autre, d’exploitation, d’oppression, d’abrutissement, de profit.
La guerre avait l’apparence d’un conflit Algérie-France, mais réellement c’était le contrôle du prolétariat algérien, trop remuant, qui était en jeu. Le FLN n’avait de cesse de contrôler sa population, la domestiquer, l’asservir… ce qu’il continuera de faire quand il aura obtenu l’indépendance ! Et c’est le FLN qui enverra les flics réprimer toute lutte en Algérie, à partir de 1962 !
Camarades, envoyez-nous vos avis, vos réflexions, vos analyses.… vos chansons. Discutons. Renforçons-nous.
A bas toutes les nations !
Vive la révolution !
Paroles
Hugues Aufray, Fleur d’oranger
Elle avait à peine quinze ans
Elle jouait encore à la poupée
Elle avait de grands yeux d’enfant
Je l’appelais « Fleur d’oranger »
Quand nous sommes venus au pays
C’était la saison des lilas
Je ne savais rien de la vie
Bien que je sois déjà soldat
Dans ces montagnes isolées
Des dissidents, y en a partout
C’est pas facile pour les trouver
L’armée n’en vient jamais à bout
Au cours des tout derniers combats
Nous fûmes pris entre deux feux
Et nous perdîmes pas mal de gars
Au fond d’un ravin rocailleux
Trois soldats de ma compagnie
Un soir sont sortis des camions
C’était un peu après minuit
Sous le ciel chantaient les grillons
Le ciel sentait bon le jasmin
Dans la nuit brillait un croissant
Il avait le blanc de tes seins
Un vent chaud soufflait du levant
Ils ont surgi soudain tous trois
Par la porte de sa maison
L’un d’eux lui attacha les bras
Un autre arracha son jupon
On l’a trouvée dans son lit bleu
Pâle et vidée de tout son sang
Les larmes collaient ses cheveux
Le soleil baignait le couchant
On a vite étouffé l’affaire
Personne n’a rien su à Paris
Ce ne fut pas même un fait divers
Qu’un incident en Algérie
Elle avait à peine quinze ans
Elle jouait encore à la poupée
Elle avait de grands yeux d’enfant
Je l’appelais « Fleur d’oranger »
Le Soldat – IAM
10H37, les opérations commencent
Ma compagnie est fin prête et les missiles s’élancent.
Sur la colline d’en face les canons crachent des feux de l’enfer.
Obéissant aux galons,
Combien d’amis sont partis, combien d’amis restent enfermés dans
Un asile. Opérationnel sur le terrain. Peste soit avec leurs sourires qui
Me tuent tous les jours. Les hélicos me rendent fous, les hommes courent
Afin de fuir la mort qui fauchent les corps, elle coche. La vie est impôt vers
La fin est moche c’est une quinte floche. Même dans mes pires cauchemars
Ce n’était pas si sordide: un fratricide légitime impuni. Ce n’est qu’un
Jeu macabre dans un champ de plaques de marbre où les plus fiers se
Retirent pour aller mourir sous un arbre. Les horreurs du combat en tout
Cas m’ont vite appris la raison pour laquelle ceux qui sont morts sourient.
Les obus pleuvent autour coupant les arbres à chaque impact, clac,
Seulement pour mutiler. Est-ce bien utile? Et futile est mon rôle: dans
La mêlée, la clameur comme mille balles me frôlent.(En)Fait non: c’est pour
De bon le front. Nos officiers tuent de sang froid ceux qui de nous se cachent
Et courent à reculons.
Connaître leurs visages? Ne t’en soucie pas,
C’est une simple histoire de soldat
C’est une simple histoire de soldat
10H50, les combats font rage, l’orée du bois est couleur pourpre
Et jonchée de cadavres. Quand je pense à la nuit dernière sans
étoiles où les balles traçantes tissaient leur toile létale… j’avais
Si peur de mourir, d’être blessé et pourrir. La peur me tétanise
Et j’ai trop de mal à me nourrir. Ceux d’en face ont peut-être le
Même âge que moi. Ils ont une mère qui sera inconsolable s’ils
N’en reviennent pas et qui sait, ils auraient pu être mes amis?
Chaque fois que j’en vois un sans vie, je vomis… C’est fou ce
Qu’on peut penser quand on est sûr d’y passer. Chassé-croisé
Dans un fossé creusé tout prêt à enterrer. Regarde autour:
L’Horreur est l’invitée aujourd’hui, assistée dans son œuvre noire
De Dame Folie.
Connaître mon visage? Ne t’en soucie pas,
C’est une simple histoire de soldat
C’est une simple histoire de soldat
11H50, tout en haut de la colline, je n’arrive pas à croire que
L’ascension fut si facile. La résistance adverse fut faible. Notre
Colonel se vante d’avoir fondu comme un aigle sur l’objectif
Qu’on nous ordonne d’inspecter et de bien être attentif afin
De prendre des prisonniers. Quand j’arrive sur les lieux, tout
N’est que cendre et poussière, les gradés félicitent et sont
Tout fiers. Les bâtisses ne présentent aucun aspect hostile…
Mon Dieu! On a massacré des civils! Je cours au milieu des
Corps des familles décimés: des tas de gens paisibles que la guerre
A tué. Nos généraux, nos colonels n’en ont pas perdu le sourire. A
Croire qu’ils le savaient. Mon âme me dit « Tire dans le tas »
Tous ces meurtres pour une raison unique: prendre la colline, un
Endroit stratégique. Le drame est intérieur. Depuis ce jour là
J’attends. J’ai perdu mon humanité ce beau matin de printemps.
En vérité je n’ai jamais su pourquoi je me bats
C’est une simple histoire de soldat
Annexe
Franz Fanon, « L’Algérie face aux tortionnaires français » El Moudjahid, septembre 1957 :
Les pratiques authentiquement monstrueuses qui sont apparues depuis le 1er novembre 1954 étonnent surtout par leur généralisation… En réalité, l’attitude des troupes françaises en Algérie se situe dans une structure de domination policière, de racisme systématique, de déshumanisation poursuivie de façon rationnelle. La torture est inhérente à l’ensemble colonialiste… En tout état de cause, il importe de ne pas oublier que l’apparition de soldats tortionnaires remonte à l’hiver 1955. Pendant près d’un an, seuls les policiers ont torturé en Algérie.