Nous avons déjà cité Gaston Couté sur ce site, parce que nous l’aimons beaucoup. Voir La Marseillaise des requins et La complainte des Terre-Neuvas, dans la rubrique Analyses.
Ce poète (1880-1911), mort à 31 ans dans la misère, parce que fidèle à ses convictions révolutionnaires, a été souvent célébré, entre autres par Bruno Daraquy, Gérard Pierron et Marc Robine.
Wikipedia vous présentera l’essentiel de sa vie, sans, bien entendu, comprendre quoi que ce soit à son engagement humain, social, subversif.
Ce révolté au grand cœur et à l’immense talent a su transcrire en chansons la critique sociale radicale qui l’animait et qui rejaillit dans le cœur de nombreux opprimés.
Ecoutons tout de suite La Paysanne, interprété par Gérard Pierron :
Cette chanson est un véritable programme de vie et de résistance ! Quelle clarté, quelle puissance !
Quasiment toutes les chansons de Gaston Couté respirent ce vivifiant crachat à ce monde inhumain.
Allons sur l’excellent site antiwarsongs.org pour écouter un autre morceau de bravoure, La chanson des fusils, dit par Yvon Jean :
https://www.antiwarsongs.org/canzone.php?id=3660&lang=fr
Magnifique fin qui promeut le défaitisme révolutionnaire, car comme le disait Karl Liebknecht, en août 1914, ce qui lui valut la prison : « L’ennemi principal est dans ton propre pays, c’est ta propre bourgeoisie ! » Rappelons-nous également ce couplet de l’Internationale :
« Et s’ils s’obstinent ces cannibales/A faire de nous des héros/Ils sauront bientôt que nos balles/Sont pour nos propres généraux. »
Allez donc vous promenez dans les chansons de Gaston Couté, une soirée ne sera pas de trop… accompagné, pourquoi pas, d’une bouteille de vin de Loire que Gaston affectionnait tant ! « L’exquise douceur de la Loire/Et la bonté des vins nouveaux. »
Les Editions Libertaires ont réédité, en 2018, les œuvres complètes de Gaston Couté : editions-libertaires.org.
Paroles
La Paysanne
Paysans dont la simple histoire
Chante en nos cœurs et nos cerveaux
L’exquise douceur de la Loire
Et la bonté des vins nouveaux, (bis)
Allons-nous, esclaves placides,
Dans un sillon où le sang luit
Rester à piétiner au bruit
Des Marseillaises fratricides ?
Refrain
En route ! Allons les gâs ! Jetons nos vieux sabots
Marchons,
Marchons,
En des sillons plus larges et plus beaux !
–
A la clarté des soirs sans voiles,
Regardons en face les cieux ;
Cimetière fleuri d’étoiles
Où nous enterrerons les dieux. (bis)
Car il faudra qu’on les enterre
Ces dieux féroces et maudits
Qui, sous espoir de Paradis,
Firent de l’enfer sur la « Terre » !
–
Ne déversons plus l’anathème
En gestes grotesques et fous
Sur tous ceux qui disent : « Je t’aime »
Dans un autre patois que nous ; (bis)
Et méprisons la gloire immonde
Des héros couverts de lauriers :
Ces assassins, ces flibustiers
Qui terrorisèrent le monde !
–
Plus de morales hypocrites
Dont les barrières, chaque jour,
Dans le sentier des marguerites,
Arrêtent les pas de l’amour ! (bis)
Et que la fille-mère quitte
Ce maintien de honte et de deuil
Pour étaler avec orgueil
Son ventre où l’avenir palpite !
–
Semons nos blés, soignons nos souches !
Que l’or nourricier du soleil
Emplisse pour toutes nos bouches
L’épi blond, le raisin vermeil ! (bis)
Et, seule guerre nécessaire
Faisons la guerre au Capital,
Puisque son Or : soleil du mal,
Ne fait germer que la misère.
La chanson des fusils
Nous étions fiers d’avoir vingt ans
Pour offrir aux glèbes augustes
La foi de nos cœurs éclatants
Et l’ardeur de nos bras robustes ;
Mais voilà qu’on nous fait quitter
Notre clair sillon de bonté
Pour nous mettre en ces enclos ternes
Que l’on appelle des « casernes » :
En nos mains de semeurs de blé
Dont on voyait hier voler
Les gestes d’amour sur la plaine,
En nos mains de semeurs de blé
On a mis des outils de haine…
Ô fusils qu’on nous mit en mains,
Fusils, qui tuerez-vous demain ?
Notre front qui ne s’est baissé
Encor que par devant la terre
Bouge, en sentant, sur lui peser
La discipline militaire ;
Mais s’il bouge trop, notre front !
Combien d’entre nous tomberont
Par un matin de fusillade
Sous les balles des camarades ?
Nos yeux regardent sans courroux
Les gâs dont les tendresses neuves
S’essaiment en gais rendez-vous
Là-bas, sur l’autre bord du fleuve ;
Mais un jour de soleil sanglant
Ah ! combien de pauvres galants
Ayant un cœur pareil au nôtre
Coucherons-nous dans les épeautres ?…
Nous trinquons dans les vieux faubourgs
Avec nos frères des usines :
Mais si la grève éclate un jour
Il faudra qu’on les assassine !
Hélas ! combien les travailleurs
Auront-ils à compter des leurs
Sur les pavés rougis des villes
Après nos charges imbéciles ?…
Mais, en nos âmes de vingt ans,
Gronde une révolte unanime :
Nous ne voulons pas plus longtemps
Être des tâcherons du crime !
Pourtant, s’il faut encore avant
De jeter nos armes au vent
Lâcher leur décharge terrible,
Nous avons fait choix de nos cibles :
En nos mains de semeurs de blé
Dont on voyait hier voler
Les gestes d’amour sur la plaine,
En nos mains de semeurs de blé
Puisqu’on vous tient, fusils de haine !…
Tuez ! s’il faut tuer demain,
Ceux qui vous ont mis en nos mains !…