Bernard Dimey (1931-1981) est poète, chansonnier, chanteur, peintre, acteur, etc. Il écrit Frédo, en 1969, qui raconte, avec humour, les exploits d’un truand, faubourien en diable, qui ne fait pas dans la dentelle. Frédo respire l’esprit entre-deux guerre de Ménilmuche et de la Bastoche.
Il ne s’agit pas de mythifier sur la pègre, laquelle, malgré une constante anti-flic, anti-riche, anti-société, n’hésitait pas à exploiter et saigner ses frères et sœurs de classe.
Le personnage de la chanson, Frédo, n’échappe à cette contradiction.
Voir Avreyml der marvikher, dans la rubrique Analyses.
Dans la rubrique Divers, nous avons aussi Beau comme une prison qui brûle !, dont est tirée cette info : « Deux CD, publiés par L’Insomniaque, traitent le sujet, La belle, en 2000, et celui qui accompagne l’ouvrage Goualantes de la Villette et d’ailleurs, en 2017. »
Le sujet ce sont les prisons, la pègre et les chants qui gravitent autour. A lire et écouter pour resituer Frédo dans son contexte et son époque.
Ce sont Les Frères Jacques qui vont donner à cette chanson, dès 1973, un certain succès. Dommage d’avoir (volontairement) omis le dernier couplet, qui, justement, éclaire toute la chanson. Car, pour nous aussi, les petits malfrats, façon Frédo, sont bien moins dangereux que les mafieux qui nous gouvernent !
« A côté des requins de la finance/Et des crabes du gouvernement/Tous ces tarés qui règnent en France/A grand coup de gueule d’enterrement/A côté de toutes ces riches natures/Qui nous égorgent à coup de grands mots/A côté de toute cette pourriture/Il était pas méchant Frédo ! »
Quand Frédo pille une banque, il se trouve toujours des citoyens, lécheurs de cul de leurs maîtres, qui veulent s’y opposer : « Y a deux trois employés d’la banque/Qu’ont pris d’la mitraille plein la peau/Bon dieu dans ces cas-là on s’planque. » Ca semble couler de source, non ?
Ca nous rappelle la Bande à Bonnot, bandits « tragiques », anarchistes tendance « illégaliste », militants de la liberté et leurs rejets de cette société qui les avait rejetés. Bonnot dans son testament est clair : « Ce que j’ai fait, dois-je le regretter ? Oui, peut-être, mais s’il me faut continuer, malgré mes regrets, je continuerai (…) Tout homme a le droit de vivre, et puisque votre société imbécile et criminelle prétend me l’interdire, eh bien, tant pis pour elle, tant pis pour vous. »
Nous avons développé la question « De leur salop’rie d’guillotine », dans Georges Brassens, dans la rubrique Divers.
Nous vous présentons une version de Frédo toute récente (2022), par Riki de la Butte aux Cailles, Alex Deville et Justine Jérémie. Vous apprécierez les couplets ajoutés, dans l’esprit du Frédo !
Mais vous apprécierez sûrement, comme nous, la version théâtralisée qui respecte le texte original :
B. DIMEY – « Fredo » – Marcel & Fredo à l’Accordéon – YouTube
Paroles
Frédo
On l’connaît d’puis la communale
Le gars qu’est là sur la photo
A la première page du journal
Mais on l’reverra pas d’sitôt
Il a saigné deux vieilles mémères
Et buté trois flics, des costauds
Certain’ment sur un coup d’colère
Vu qu’il est pas méchant Frédo
Il a pillé la Banque de France
Pour rendre service à des copains
Pour améliorer leurs finances
Faut bien qu’tout l’monde y gagne son pain
Y a deux trois employés d’la banque
Qu’ont pris d’la mitraille plein la peau
Bon dieu dans ces cas-là on s’planque
Mais c’est pas sa faute à Frédo
Il a liquidé sa frangine
Une salope une rien du tout
Parce qu’il voulait plus qu’elle tapine
Elle a calanché sur le coup
Ca c’est des histoires de famille
Ca regarde pas l’populo
Et puis c’était jamais qu’une fille
A part ça l’est gentil Frédo
Il a vagu’ment fait du chantage
C’était plutôt pour rigoler
Pour avoir l’air d’être à la page
Mais les mômes qu’il a chouravés
C’était des p’tits morveux d’la haute
Qui bouffent du caviar au kilo
Tout pour les uns rien pour les autres
« C’est pas juste » y disait Frédo
Il a fait l’ramdam chez les Corses
Un soir qu’il avait picolé
Et comme y connaît pas sa force
Les autres ils ont pas rigolé
Raphaël a sorti son lingue
Bref tout l’monde s’est troué la peau
C’est vraiment une histoire de dingues
Vu qu’c’est tous des potes à Frédo
L’histoire des deux voyous d’Pigalle
Qu’il a flingué d’un cœur léger
Moitié camés moitié pédales
Il fallait bien les corriger
Sinon peu à peu qu’est-ce qui s’passe?
Un jour ça s’allonge aux perdreaux
Total qui c’est qui paie la casse?
« C’est nos zigues » y disait Frédo
Un coup d’pique-feu dans l’péritoine
Et Frédo s’est r’trouvé comme ça
Le cul sur l’faubourg Saint-Antoine
Qu’est c’qu’il foutait dans c’quartier-là?
Bien sûr il s’est r’trouvé tout d’suite
Avec les poulets sur le dos
Maint’nant vous connaissez la suite
Vous l’avez lue dans les journaux
Un garçon qu’avait tout pour plaire
Impeccable mentalité
Délicat, correc’ en affaires
Bref il avait qu’des qualités
Ca fait mal quand on l’imagine
En train d’basculer sous l’couteau
De leur salop’rie d’guillotine
Un mec aussi gentil qu’Frédo
A côté des requins de la finance
Et des crabes du gouvernement
Tous ces tarés qui règnent en France
A grand coup de gueule d’enterrement
A côté de toutes ces riches natures
Qui nous égorgent à coup de grands mots
A côté de toute cette pourriture
Il était pas méchant Frédo !