De flamingant ne me traitez


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En 1977, sur son dernier album, Les Marquises, Jacques Brel publie Les Flamingants, chanson comique. Sensée dénoncer les ultra-nationalistes flamands, la chanson a été perçue, au nord de la Belgique, comme une insulte. « … éructer ou aboyer flamand… » Simple maladresse de Brel qui a chanté plusieurs de ses chansons en flamand avec autant de sensibilité qu’en français ? A vous de juger, en tout cas son pamphlet est simpliste, limite raciste…
Voir Les Singes, dans la rubrique Analyses, où nous survolons la discographie de Brel.

Wannes van de Velde écrit-il cette chanson, en 1982, sur l’album Stadsgedachten (réflexions citadines), en réponse à la chanson de Brel ? On ne sait, mais De flamingant ne me traitez tente de quitter le terrain sociologique, géographique, linguistique, pour proposer une explication sociale à l’extrémisme nationaliste flamand.
De plus, Wannes l’anversois, de chanter en français !
Wannes van de Velde a fait partie de l’Internationale Nieuwe Scene, qui, en 1980, a créé l’inoubliable, Mistero Buffo, de Dario Fo.
Version magnifique en français, par la même troupe, ici :

Voir aussi Masters of war, dans la rubrique Analyses, chantée par Wannes van de Velde et Roland van Campenhout.
Intéressant le livre de Maguerite Yourcenar, L’Oeuvre au noir, publié en mai 68 !, dont est tiré le film éponyme, vingt ans plus tard, avec Gian Maria Volontè. L’histoire se passe, au 16ème siècle, en Flandre et l’auteure décrit des luttes sociales très fortes, qui se rattachent à celles des Diggers, un peu plus tard, en Angleterre. Voir Omnia sunt communia, dans la rubrique Divers, ou Sieben Tage lang, dans la rubrique Analyses.
On pense aussi aux Luddistes, en Angleterre, ou aux Canuts, en France, etc.
En résumé, et en écho à la chanson de Wannes, on s’est battu partout et toujours pour une vie digne, en Flandre, comme ailleurs, partout où la misère règne, pensée et organisée par la classe profiteuse, la bourgeoisie.
Alors oui, Wallons, Flamands, Bretons, Occitans, Piémontais, etc., etc., nous sommes le peuple exploité, mais qui régulièrement se rebiffe ! Et alors le cri de guerre sociale est poussé par des milliers de voix unies, contre les frontières et leurs guerres, contre la Flandre, la Wallonie, la Bretagne ou la Padanie !
Vive la révolution, vive l’amour, vive la fraternité dans la lutte.
Si tu veux la paix, prépare la guerre sociale !
A bas toutes les frontières et leurs barbelés !


Paroles

De flamingant ne me traitez
Dans mon pays de Flandre maltraité, par guerres ravageuses
Et des périodes troubleuses, la terre est silencieuse.
De flamingant ne me traitez, être Flamand, c’est dur assez.

Quoique l’on dise du glorieux passé, l’Espagne vint à la danse,
Assistée par la France, pour nous raser la conscience.
De flamingant ne me traitez, être Flamand, c’est dur assez.

Sur terre destinée aux champs de blé, on se fit des batailles,
De prétentieuses pagailles, en nous traitant de canaille.
De flamingant ne me traitez, être Flamand, c’est dur assez.

A cause du plus noir prolétariat, on a vu l’allégresse
Périr en proie de bassesse, entre l’église et l’ivresse.
De flamingant ne me traitez, être Flamand, c’est dur assez.

On dit: c’étaient des collaborateurs! Beaucoup se sont faits prendre,
Croyant faire pure la Flandre, c’est c’que misère engendre.
De flamingant ne me traitez, être Flamand, c’est dur assez.

Fascistes y’a partout, aussi chez nous, mais comme les gens adorent
Haïr ce qu’ils ignorent, par ce refrain je t’implore:
De flamingant ne me traitez; je suis Flamand, fils d’ouvrier.

Les Flamingants, chanson comique

Messieurs les Flamingants, j’ai deux mots à vous rire
Il y a trop longtemps, que vous me faites frire
À vous souffler dans l’cul, pour dev’nir autobus
Vous voilà acrobates mais vraiment rien de plus
Nazis durant les guerres et catholiques entre elles
Vous oscillez sans cesse du fusil au missel
Vos regards sont lointains, votre humour est exsangue
Bien qu’il y ait des rues à Gand qui pissent dans les deux langues
Tu vois quand j’ pense à vous, j’aime que rien ne se perde
Messieurs les Flamingants, je vous emmerde

Vous salissez la Flandre, mais la Flandre vous juge
Voyez la mer du Nord, elle s’est enfuie de Bruges
Cessez de me gonfler, mes vieilles roubignoles
Avec votre art flamand-italo-espagnol
Vous êtes tellement, tellement beaucoup trop lourds
Que quand les soirs d’orage, des Chinois cultivés
Me demandent d’où je suis, je réponds fatigué
Et les larmes aux dents : « Ik ben van Luxembourg »
Et si aux jeunes femmes, on ose un chant flamand
Elles s’envolent en rêvant, aux oiseaux roses et blancs

Et je vous interdis d’espérer que jamais
À Londres sous la pluie, on puisse vous croire anglais
Et je vous interdis, à New York ou Milan
D’éructer messeigneurs, autrement qu’en flamand
Vous n’aurez pas l’air con, vraiment pas con du tout
Et moi je m’interdis, de dire que je m’en fous
Et je vous interdis, d’obliger nos enfants
Qui ne vous ont rien fait, à aboyer flamand
Et si mes frères se taisent et bien tant pis pour elles
Je chante, persiste et signe, je m’appelle : Jacques Brel !


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