C’est en 1973 que la fantasque Brigitte Fontaine et son talentueux compère Areski Belkacem commettent ce C’est normal. On y apprend que cet immeuble en feu, après explosion, est soit insalubre, soit vétuste. Mais « c’est normal » qu’on y entasse des gens puisque ce sont des familles ouvrières, des émigrés et des chômeurs !
Rares sont les explosions dans les maisons cossues.
Rares sont les artistes qui dénoncent, un tant soit peu, les conditions lamentables de vie des travailleurs, des émigrés et des surnuméraires.
Dans les années ’70 du siècle dernier, ça se faisait encore.
Nous avons déjà présenté une chanson de Brigitte et Areski, Moi aussi, dans la rubrique Analyses. A relire et réécouter éventuellement !
C’est normal, en temps réel, nous rappelle que l’important n’est pas la chute, mais l’impact ! Les politiciens, eux, à la solde du capital, et main dans la main avec les journaflics aux ordres, nous assènent journellement que, dans la grande chute sociale… jusqu’ici tout va bien ! Ils gèrent, ils s’occupent de tout, ils promettent, ils font tout pour… bref, ils nous mènent en bateau.
Jusqu’à ce que nous nous révoltions et que nous prenions nos vies en mains. Ca viendra !
Allez, on se l’écoute :
Paroles
La la la…
– Areski !
– Qu’est-ce qu’il y a ?
– T’as pas entendu un truc bizarre ?
– Si.
– Qu’est-ce que c’est ?
– C’est le gaz. C’est le gaz dans l’appartement en dessous. Des fois y’a fuites, alors ça s’accumule, puis si y’a une étincelle ça explose. C’est normal !
– Ah.
– Et qui dit explosion, dit détonation. D’où le bruit que t’as entendu tout à l’heure, voila.
– Ah.
La la la…
– Dis donc ?
– Quoi ?
– Tu n’sens pas le brûlé ?
– Ben ouais, c’est normal je t’ai expliqué. Il y a eu une explosion.
– Oui.
– Et l’agitation moléculaire due à cette explosion…
– La… quoi ?
– L’agitation moléculaire.
– Ah oui.
– Provoque une élévation thermique suffisante pour enflammer les matières environnantes.
– Oui, oui.
– C’est alors ce qu’on appelle la combustion. C’est normal !
– Ah.
– Tu comprends ?
– Oui, oui.
La la la…
– Mais alors… mais…
La la la…
– Qu’est-ce que tu voulais ? La la la…
– Là je voulais savoir… Tout l’immeuble, il est en train de brûler, c’est bien ça ?
– Mais oui, écoute. Les matières qui ont servi à la construction de cet immeuble sont très fragiles. Tu comprends ?
– Oui.
– C’est normal parce que de toutes façons il n’y a que des familles d’ouvriers et des étrangers et quelques improductifs.
– Oui.
– Alors le feu s’empare très facilement des matières.
– Ouais.
– Ça se propage. Nous sommes donc en présence d’un incendie.
– Aaaah. Un incendie.
– C’est normal.
– Oui, oui, oui.
– Oui ?
– D’accord.
La la la…
– Areski !
– Qu’est-ce qu’il y a encore ?
– Tu sens pas comme si on commençait à tomber, là, un peu… ?
– Ecoute… Ecoute…
– Oui.
– Essaie de comprendre, c’est très simple.
– Oui.
– Tu te souviens la combustion ?
– Oui.
– La destruction de l’immeuble par les flammes ?
– Oui.
– Bon. Ça veut dire qu’en-dessous, les murs et les étages ont disparu.
– Hum.
– Et qu’nous n’sommes plus soutenus par rien.
– Ouais.
– Or, une chose qui n’est plus soutenue par rien, tombe. C’est ce qu’on appelle l’apesanteur. C’est normal !
– Aaaah, ouais.
La la la…
– Mais alors… on va tomber…
– Mais oui.
– Du 15e étage ?
– C’est tout à fait normal.
– C’est l’attraction terrestre.
– D’accord.
La la la…
– Ares, excuse-moi
– Quoi ? quoi ?
– Pardon, mais je pense à un truc.
– On n’va pas mourir dans une minute ?
– Brigitte, tu es fatigante !
– Pardon.
– Donc, on est en train de tomber.
– Oui.
– Or, tout corps tombe à une vitesse définie.
– Oui.
– Et en arrivant au sol il subit une décélération violente qui amène la rupture de ses différents composants. Par exemple, les membres se séparent du tronc.
– Oui.
– Le cerveau jaillit hors de la boîte cranienne, etc.
– Ouais.
– Dans ces conditions de déconnexion, il est évident que le phénomène de la vie ne peut pas se maintenir, c’est NORMAL, tu comprends ?
– Ouais…