Bread and roses (Du pain et des roses) est la revendication phare d’un mouvement de lutte, un poème et une chanson. Explication.
Au début du siècle 20, les pauvres du monde entier se donnent rendez-vous aux Etats-Unis. Les conditions de vie et de travail sont épouvantables, les patrons ayant une abondante main-d’œuvre à disposition. Les règles de sécurité ne sont pas appliquées ce qui donne lieu à de gigantesques catastrophes. Ainsi, l’incendie de l’usine textile Triangle Shirtwaist, le 25 mars 1911, à New York, fait 146 morts et 71 blessés… les issues de secours étant bloquées pour mieux contrôler les ouvrières après leur travail ! Mais le secteur, qui emploie principalement des femmes et des enfants, est combatif. Dans cette même usine il y avait eu un conflit social important en 1909.
Une chanson garde trace de cette épouvantable tragédie sociale :
yidlid Mayn rue-plats jiddisch – jidysz – идиш – yídish – ídiche (free.fr)
En 1912, la lutte repart, dans le Massachusetts, dans les immenses filatures de la ville de Lawrence. Ici se côtoient 23.000 travailleurs, 25 nationalités et langues et 45 dialectes. En janvier une loi prévoit de réduire la semaine de travail de 56 à 54 heures. Quelle générosité ! Selon une logique rapace, les patrons veulent baisser le salaire des ouvrières… qui refusent et entament une grève très dure, pendant neuf semaines, du 11 janvier au 14 mars.
Petit retour en arrière. En décembre 1911, James Oppenheim écrit un superbe poème Bread and roses, dont les grévistes, à majorité féminine, vont prendre et l’esprit et la lettre et se revendiquer d’une lutte pour le pain, manger, mais aussi une vie digne, belle, joyeuse, amoureuse, etc., symbolisée par les roses, ce que le capitalisme ne peut comprendre et admettre.
La lutte est fortement soutenue par les IWW. Voir I dreamed I see Joe Hill last night dans la rubrique Analyses.
La répression est à peine croyable. Par exemple, les flics arrosent d’eau glacée les manifestants, en plein hiver ! La police est aidée spontanément par des étudiants de Harvard, tout proche. Ces fils de bourgeois, du haut de leurs chevaux, vont frapper avec une sauvagerie toute civilisée ces sales immigrés, hommes, femmes et enfants, en tuer certains, dont deux femmes enceinte, etc. Ces futurs gestionnaires de notre force de travail savaient bien de quel côté de la barrière sociale ils étaient.
Mais la solidarité de notre classe sociale a été exemplaire, ce qui a permis de tenir neuf semaines. Les enfants étaient accueillis hors de Lawrence chez des camarades, avant que la police ne l’interdise, frappe les enfants, les emprisonne, etc. Des camarades de tous les Etats-Unis ont envoyé de l’argent et des encouragements.
Dès le 11 janvier, c’est en interdisant aux briseurs de grève de rentrer que les premiers affrontements avec la police ont commencé.
Un comité de grève est créé, sur lequel crache l’AFL, le syndicat officiel, traitant ses membres de « gauchistes, anarchistes et révolutionnaires. »
Dans les manifestations, le mot d’ordre Du pain et des roses s’est imposé, au milieu d’autres revendications plus précises. Voici un extrait d’une de leur proclamation :
« Nous, les 20.000 travailleurs du textile de Lawrence, sommes en grève pour le droit de vivre à l’abri de l’esclavage et de la famine ; à l’abri du surmenage et du sous-paiement ; à l’abri d’un état de choses devenu si insupportable et hors de notre contrôle, que nous avons été contraints de sortir des cages d’esclaves de Lawrence en résistance unie contre les torts et l’injustice d’années et d’années d’esclavage salarié. »
Outre les morts et les blessés, il y eut de nombreuses arrestations. L’Etat cède devant la mobilisation et la détermination qui ne faiblissent pas. Des miettes sont accordées aux grévistes, dont la diminution des heures de travail sans baisse de salaire.
Voici un documentaire intéressant sur cette grève :
Le 12 mars 1912, la plupart des revendications syndicales ont été satisfaites lors de la grève du textile de Lawrence, également connue sous le nom de grève du pain et des roses. Il s'agit d'une grève historique qui a uni les travailleurs au-delà de nombreux obstacles traditionnels, notamment la langue, la nationalité, le sexe et l'âge.Un extrait de Howard Zinn – Une histoire populaire américaine (le film), "Du pain et des roses".Réalisation : Olivier Azam et Daniel MermetProduction : Les Mutins de PangéeDisponible en Dvd, Vod et téléchargement : http://www.lesmutins.org/howard-zinn-une-histoire-populaire-50Et la suite, Howard Zinn, une histoire populaire américaine, "la révolution noire", bientôt au cinéma !
Publiée par Les Mutins de Pangée sur Mardi 12 mars 2019
Dès 1912, Caroline Kohlsaat compose une musique sur les paroles du poème, mais il faut attendre 1952 pour que la sœur de Joan Baez, Mimi Farina, lui donne la version finale qu’on connaît actuellement. Parmi les nombreuses versions, nous vous proposons celle de Joan Baez… avec sa sœur :
Paroles
As we go marching, marching, in the beauty of the day,
A million darkened kitchens, a thousand mill lofts gray,
Are touched with all the radiance that a sudden sun discloses,
For the people hear us singing: Bread and Roses! Bread and Roses!
As we go marching, marching, we battle too for men,
For they are women’s children, and we mother them again.
Our lives shall not be sweated from birth until life closes;
Hearts starve as well as bodies; give us bread, but give us roses.
As we go marching, marching, unnumbered women dead
Go crying through our singing their ancient call for bread.
Small art and love and beauty their drudging spirits knew.
Yes, it is bread we fight for, but we fight for roses too.
As we go marching, marching, we bring the greater days,
The rising of the women means the rising of the race.
No more the drudge and idler, ten that toil where one reposes,
But a sharing of life’s glories: Bread and roses, bread and roses.
Our lives shall not be sweated from birth until life closes;
Hearts starve as well as bodies; bread and roses, bread and roses.
Marchons, mes sœurs, marchons! Le son de nos voix claires,
Perçant la grisaille des cuisines noircies et des usines moroses,
Guide nos pas vers un jour radieux, éclatant de lumière.
Chantons toutes en chœur: «Du pain et des roses! Du pain et des roses»
Marchons, mes sœurs, marchons! Notre lutte est aussi pour les hommes,
Qui, par nous enfantés, restent toujours nos enfants.
Assez! Nous vivions comme des bêtes de somme.
Qu’on nous donne du pain, mais des roses également.
Marchons, mes sœurs, marchons! Par delà le tombeau,
Des femmes innombrables, par le cri de nos voix, réclamant du pain.
Ni beauté, ni amour, la corvée fut leur lot!
Luttons pour les roses, pas seulement pour le pain!
Marchons, mes sœurs, marchons! Des jours meilleurs suivent nos traces:
Nous entraînons la race entière dans notre apothéose:
Assez d’exploitation; dix qui peinent quand un se prélasse:
À chacun sa part de pain et de roses; de pain et de roses.