Black country blues


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Willam Dunker écrit et chante Black Country Blues en 1997. Le pays noir désigne, en Belgique, la région minière et industrielle autour de Charleroi.

Le titre est en anglais mais le texte en wallon. Est-ce que vous connaissez la différence entre une langue et un dialecte ? La langue elle a une armée, elle. Toutes les langues dominantes se sont imposées à coups de canon et d’humiliations, et de gifles, de formatages dans les écoles.

N’en déplaise aux postmodernistes auto-satisfaits, et autres sociologues myopes, il y a toujours des usines en Europe. Mais il y a en a aussi hors d’Europe et comme nous ne respectons pas les frontières (nous les subissons), pour nous cela ne fait aucune différence. La vie d’usine est inhumaine !

Il y a de très nombreuses chansons dénonçant l’usine. Voir, entre autres, La marche à suivre et Bosser huit heures dans la rubrique Analyses.

Ecoutons Dupain dénoncer, en occitan, l’exploitation avec Feniant (en 2000). Le montage (avec traduction française) de la vidéo, terriblement réaliste, est un excellent crachat au stakhanovisme.

Retenons aussi de La Canaille, en 2009, L’Usine :

Black country blues dénonce au passage l’action démagogique des syndicats qui promettent beaucoup et tiennent peu, à l’instar de leurs amis politiciens.

La fin de la chanson est un peu désespérée : « Nén s’plind, nén gueuler, nén braire/R’monter l’reveil pou d’mwain matin/Eyet tout les djoûs fé l’innocint. » On pourrait oser cette traduction : « Il ne faut pas se plaindre, ni gueuler, ni braire, remonter le réveil pour demain matin, et tous les jours faire l’innocent ! »

Ca nous fait penser à mai 68 et son avertissement : Réveille-matin, première humiliation de la journée ! Voir Sous les pavés la plage ! La bande-son de mai 68 dans la rubrique Divers.

Quant à faire l’innocent, nous ne le faisons que trop, trop souvent, avec trop d’innocents qui justifient leur apathie avec des on ne va pas changer le monde ; ça a toujours été comme ça ; change toi, toi-même ; ils sont plus forts que nous ; occupe-toi déjà de toi ; chacun balaie devant sa porte ; tu vas te faire embrigader ; oh, moi tu sais la politique; etc.

Allez, on s’écoute un petit blues wallon en gueulant bien fort : « Y faureut fé l’révolution ! »


Paroles

Black country blues

Quand l’reveil sonn’ tout les djoûs au matin
Dji mets mes pîs dins mes pantouffes
E dji diskind les mârch’s rouf-rouf
Dji bwè un’ jatte di nwér caffè
Dji me r’netchî dins l’vî bassin
Avou m’briket dji m’va bouter

Dji prind l’otobus de chîz heure
Dj’ arrif’ a moins quart pou pointer
Pou rouvî qu’leu bouill’ est deur
Les ouvrî pa’lent nu d’condjîs
Du fouteballe, des bias derbys
Et de’l samwaine des trent’deux heures.
Les syndicats ont bén promis
Branmint des côrs, branmint des liards
Les syndicats ont bén promis
Mais oyï, ma c’est pour putard
Bén putard… Branmint putard

Dji m’demind cô bén si on n’ratint né cô veci ?
Asteur me v’la les mwains mannées,
C’est scrandichant d’iyesse un mann’daye
I’m faut bouter tout’ en’ journéye
Pou un patron s’crèvé a’ l’ taille
C’n’est nén qu’ji fûchèch’ feneyant
Mais vikî pou bouter, ça c’n’est nén vikî
D’aïlleurs dji’n boute nén même pou mi
(faut nén d’mander ! )
Dji s’reut crèvé avant m’pension
Bouffé tout cru pa’l pollution
Y faureut fé l’révolution
E trawer l’panse des gros patrons,
Des pleins di liards, des cras mînisses,
Sins awè peu’ de’ l mwech’ poliss’
Paraît t’y faut branmint mia s’taire
Nén s’plind, nén gueuler, nén braire
R’monter l’reveil pou d’mwain matin
Eyet tout les djoûs fé l’innocint


L’usine

Le bus vient de l’déposer
Il pointe et ne r’verra l’jour qu’avec la rosée
D’ailleurs, l’odeur lui donne d’jà la nausée
Il rentre dans l’vestiaire, défait l’cadenas, ouvre son casier, pose le keuss du casse-dalle, enfile sa blouse et s’assied, enlève ses shoes, met les chaussures d’sécurité, prend ses gants, son cutter, quelques pièces pour l’café

Il regarde l’heure, plus qu’cinq minutes avant d’commencer
Il referme à clef, gavé d’avance, rien qu’d’y penser
Pas à pas se dirige lentement vers sa machine
Regarde la mine des autres, fatigués, mais contents d’quitter l’usine
Écoute les consignes du gars d’l’équipe précédente
Si y a rien, c’est bon signe. La nuit sera moins fatigante
Vingt-et-une heures pile. Le gars lui souhaite bon courage, ramasse ses affaires et file
Le v’là face à l’ouvrage
Pas l’temps de s’installer, deux pièces à contrôler, à emballer vite fait, avant qu’deux autres prennent le relais

Couper, séparer, jeter. (x3)
C’est ça le boulot
Couper, séparer, jeter
Toute sa vie

Pour lui, l’compte à rebours s’est enclenché
A peine le plancher foulé
Huit heures à tenir et pas question de flancher
Sinon c’est la porte
Des gars comme lui, y en a à la pelle
Profession : O.S. comme ils les appellent dans les boîtes d’intérim
Ouvrier spécialisé. Ferme-la et trime
L’exploitation est officialisée
Subventionnée par l’État, c’est sur qu’ça fait cogiter
De façon il fait qu’ça, cogiter. Même agité, pense à tout pour s’évader

Voit ses gosses gambader et s’rappeler du week-end dernier
Des conneries du J.T
Mais il redescend vite fait sur Terre, son chef l’interpelle
A défaut d’personnel, lui file du taf supplémentaire
Envie de s’occuper de son cas, de lui refaire la déco comme celui qui lui a fait le contrat y a trois mois chez Adecco
Maintenant ça lui fait deux presses
Plus de stress. Il galope de poste à poste avec cette cadence qui l’oppresse
L’horloge qui l’agresse
Il n’attend qu’une chose. Une heure et demie, que vienne son heure de pause

Couper, séparer, jeter. (x3)
C’est ça le boulot
Couper, séparer, jeter
Toute sa vie

Il bloque la dernière moulée
On vient l’remplacer
Quitte enfin l’atelier, tee-shirt mouillé, dos cassé
Grimpe les escaliers, va pouvoir pisser
S’laver les mains fissa avant d’pouvoir aller grailler
Dans l’local, qu’est tellement sale, qu’en temps normal ça aurait dû déclencher une lutte syndicale
Mais que dalle
Depuis le dernier plan social, peur d’espérer mieux
On a vu à quoi ça mène de l’ouvrir dans c’te PME

Ca parle PMU à côté d’lui
En face les vieux, un peu émus, rêvent d’une issue pour avoir ce qu’ils n’ont jamais eu
Deux, trois conneries d’sorties
Dans dix minutes, c’est reparti
Finit sa gamelle, vite, pour fumer la Camel
Le cul posé sur l’quai dehors
Son seul plaisir. Après c’est l’calme d’la ville qui dort
Avant d’reprendre l’effort, il écrase son mégot
Rentre, croise, aussitôt, son chef qui râle pour la minutes de pause en trop
Le v’là à nouveau entre deux moules qui s’ouvrent et se referment chaque trente secondes chrono
Pour éjecter une pièce qu’il faut couper, séparer jeter, poser dans l’chariot
Eh ouais, la nuit, le jour, ici, c’est ça le boulot

Couper, séparer, jeter. (x3)
C’est ça le boulot
Couper, séparer, jeter
Toute sa vie

 


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