Beau comme une prison qui brûle !


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Marius Jacob

Il existe de multiples chansons de prisons, bagnes, camps de concentration, pontons,  galères, etc. Tout le monde connait Dans les prisons de Nantes, anonyme du 17ème siècle, A Biribi, d’Aristide Bruant (1889) ou House of the rising sun, à l’origine incertaine et aux multiples versions.
Tentons d’en découvrir de moins connues, sachant qu’on ne fera pas le tour de la question. Cette rubrique sera agrémentée, au fil du temps, à mesure d’autres découvertes.
Quelques traces :
En 1969, les Quatre Barbus sortent un 33T intitulé Chants de galères, bagnes et prisons, avec des perles rares comme Clairvaux, et des chansons introuvables ailleurs.

Deux CD, publiés par L’Insomniaque, traitent le sujet, La belle, en 2000, et celui qui accompagne l’ouvrage Goualantes de la Villette et d’ailleurs, en 2017.
En annexe, un extrait du CD La belle : Destruyons toutes les prisons.
Le titre Beau comme une prison qui brûle nous vient de l’ouvrage de Julius Van Daal, édité par L’Insomniaque, en 2010, qui décrit une insurrection à Londres, en 1780. L’attaque de prisons y tient une place de choix.
Titre éponyme et esprit identique, en 2015, d’un ouvrage de Kyou, qui décrit la mise à sac et l’incendie, le 16 avril 1988, de la prison d’Ensisheim.
La question du rapport entre dedans et dehors est développée dans la chanson de Dominique Grange, La voix des prisons, en 2005, qui prend comme exemple la vague de mutineries dans les prisons françaises, en 1972, initiée par celle de Toul, en décembre 1971. «  Mais dehors ou derrière les grilles/La misère a le même goût/Révoltés des prisons-bastilles/Tous ceux qui luttent sont avec vous »:

En 1974, François Béranger chante Les prisons, contre l’univers carcéral, dont celui de Fleury-Mérogis, vantée comme moderne à l’époque grâce à son électrification totale.
Trust, en 1980, chante le désespoir de ceux qui se retrouvent au Mitard.
Elizabeth, en 1998, avec Saint-Maur, 1992, parle avec sensibilité d’une évasion ratée: Saint_Maur_92.wav – Google Drive
Heureusement, en 2000, Dupain chante lui, en occitan, une ancienne évasion réussie, avec Lei Presonniers. Gainsbourg, en 1967, vante aussi l’évasion dans La chanson du forçat. Même AC/DC, en 1984, avec Jailbreak, propose de fuir ces lieux de calamité !
En 1971, le duo Ennio Moricone/Joan Baez fait passer les aventures carcérales de Sacco et Vanzetti à la postérité. Ces deux anarchistes étaient coupables de lutter pour un monde meilleur et de militer ardemment pour sa venue.

La même année, une mutinerie éclate à la prison d’Attica (Etat de New York), suite à l’assassinat de Georges Jakson. Lire à ce propos Les Frères de Soledad (1970). L’un des initiateurs de la révolte est Sam Melville, militant des Weather Underground. Lors de l’assaut final, l’armée massacra tout le monde, gardiens et détenus, faisant 39 tués. Dès 1972, quelques musiciens rendent hommage aux révoltés, dont John Lennon, avec Attica State, et Arshie Shep, avec Attica blues.
Un site incontournable sur le bagne de Cayenne :
https://www.imagesplus.fr/Chansons-du-bagne_a275.html
S’y trouve en particulier une remarquable chanson de Jean Marceline, Cayenne, ainsi que Merde à Vauban, de Léo Ferré, Jean Fagot, etc.
Parmi les chants de bagnards, il y a La complainte du galérien, anonyme du 18ème siècle… mais surtout ce poignant chant russe, chanté par le chœur Yuri Semionov, en 1930 : Хор Ю.Семёнова Помню, помню, помню я (Je me souviens) :

Il existe une version française très connue, mais édulcorée, intitulée Le galérien.
En Grèce, Mikis Theodorakis, emprisonné (et torturé) trois ans sous l’occupation allemande, puis trois ans dans l’immédiat après-guerre, puis trois ans sous le régime des colonels… compose, en 1970, avec George Moustaki, Imaste dio (Nous sommes deux):

Et maintenant une magnifique chanson de vengeance, en calabrais, Oh, Nero Nero.

Une pensée pour Léonard Peltier, en prison aux Etats-Unis, depuis 1975, innocent de ce dont on l’accuse, mais… indien, ayant résisté à une attaque du FBI sur sa réserve, les armes à la main, pour défendre sa communauté.
Une pensée pour les innombrables anonymes emprisonnés, de partout et de toujours, otages d’une société sans cœur. Non pas que nous prônions un capitalisme sans prison, ce n’est pas possible, mais son abolition s’accompagnera inévitablement de la destruction de toutes les prisons !
Une dernière pensée pour nos frères animaux, enfermés dans des zoos ou des delphinariums pour prolétaires touristiqués, aux millions autres torturés dans les batteries ; pour les végétaux, réduits au diktat de Monsanto et consorts ; pour tout ce qui vit sur terre soumis à la loi du profit… d’une infime minorité.
Libérons-nous, camarades, libérons-nous collectivement, avec tout l’amour violent de la Vie, de la révolution.


Paroles

Clairvaux

Dans une sombre prison
Aux murailles noircies
De jeunes prisonniers
Lentement tournent en rond
Ils ont la tête basse
Sous l’habit d’infamie
Numéro sur le bras
Tout comme des forçats.

Et moi je me demande ce qu’ils ont bien pu faire :
Sont-ce des assassins, des bandits, des vauriens
De ceux qui n’hésitent pas pour vivre à leur manière
A tuer pour voler d’honnêtes ouvriers ?

J’interroge l’un d’eux
Un gars au regard fier
I’ m’dit si j’suis ici
C’est pour avoir osé
Cracher à la sale gueule
D’un gradé militaire
Pour ce geste insolent
Ils m’ont collé cinq ans.

Je resterai ici le temps qu’i’ m’reste à faire
Plus maltraité qu’un chien, par cette bande de gredins
Ces maudits geôliers, bien payés pour nous faire
Souffrir et torturer, c’est là leur seul métier.

Biribi est tombé
Sous les coups d’Albert Londres
Le bagne a changé de nom
Il n’a pas disparu
Car il est remplacé
Par une maison centrale
Dont le nom est Clairvaux
Ce qui veut dire tombeau.

Si Albert Londres pouvait visiter les centrales
II écrirait sûrement plus de deux cents romans
Qui ouvriraient peut-être les yeux fermés de la France
Qui ne s’inquiète guère de ses bagnes militaires.

Je termine mon récit
Les yeux remplis de larmes
En songeant aux copains
Qui sont restés là-haut
Je reverrai toujours
Comme dans un rêve infâme
La salle de discipline, le prétoire, le cachot.

Et si la République désire qu’on la défende
Nous n’demandons pas mieux, mais à une condition
C’est que l’on ne voie plus des garçons de vingt ans
Mourir dans les bat’s d’Af, victimes du régiment.

Destruyons toutes les prisons

La prison a détruit nos vies.
Brisons, détruisons toutes les prisons !
Le bracelet a remplacé les murs épais, maléfique progrès !
Le temps ne veut plus rien dire, ma tête tourne.
Comme une bête enfermée, je suis folle à lier.
Maudite société n’as tu rien d’autre à nous offrir
Que les mots et les images de la télé ?
N’as-tu jamais entendu dans cette geôle
Les cris et les plaintes des forçats modernes ?

A quoi bon crier dans cet univers déshumanisé ?
Les murs et les portes n’ont plus d’oreilles.
La souffrance et le supplice sont vraiment doubles
Quand, pour pouvoir cantiner, je dois boulonner.
Mais quel est le goût de votre prétendue liberté,
Celle qui tous les jours nous envoie bosser ?

Il arrivera le jour de la belle
Où je démolirai vos portes et barreaux.
Finis le mitard, l’isolement et les lourdes peines
Enfin libérés, nous ferons tout brûler.

Ô matons, courrez bien vite,
Sinon on va vous massacrer !

 


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