Depuis que l’école existe et martyrise les enfants, les abîme, formate, dégoûte, humilie, etc., il y a des résistances à l’école.
Les traces chantées sont rares et d’autant importantes.
Tentons un voyage vers ces cris du cœur contre l’oppression, l’injustice, les coups, la bêtise de l’univers scolaire.
Mais commençons par ceux qui ne vont pas à l’école, l’enfance martyrisée et exploitée très jeune dans les bagnes industriels, les champs, les bordels, etc.
En 1897, Jehan-Rictus, avec sa Farandole des pauv’s ‘tits fanfans morts, nous rappelle que les enfants de prolos, déjà crevés à peine nés, humiliés, abîmés… « pourraient ben la r’faire à la r’biffe ». Mais, que le bourgeois se rassure, notre bonne police veille. « Ca » finira au bagne, en taule ou à l’armée. Ricet Barrier, en 1987, a mis en musique ce poème. (Voir rubrique Analyse).
A propos d’enfants battus, mal aimés, on pourra relire L’Enfant du futur communard Jules Vallès (1878). La dédicace vaut son pesant de torgnolles : « A tous ceux qui crèvent d’ennui au collège ou qu’on fit pleurer dans la famille, qui, pendant leur enfance, furent tyrannisés par leurs maîtres ou rossés par leurs parents. »
Voir Privés d’enfance, dans la rubrique Analyses.
En 1969, Jean-Max Brua, avec Quand les pirates s’en iront, parle des « millions qui n’ont jamais dit non. »
Attention Ecole !
C’est l’école qui fabrique le citoyen docile, amorphe, obéissant, travailleur, surtout travailleur. Dans cette société, l’enfance est un problème… alors les enfants, il faut les dresser, les domestiquer, les discipliner, les dompter, les humilier… les éducastrer.
Gaston Couté, poète anarchiste, mort dans la misère à 31 ans, écrit un poème en 1898, à 19 ans, L’école. Un portrait terriblement réaliste du dressage social de la jeunesse. Voir Gaston Couté, dans la rubrique Divers.
Les enfants rétifs, bagarreurs, désobéissants, vous savez les cancres, les graines de délinquants, à l’échine raide, il faut bien les mater… dans des maisons de redressement, des internats, des prisons. Mais dans ces lieux maudits, parfois ils se révoltent, comme en 1934 dans le bagne pour enfants de Belle-Île-en-Mer. Cette mutinerie a été immortalisée par Jacques Prévert, en 1934, avec La chasse à l’enfant. Prévert aura toujours une pensée pour l’enfance maltraitée. En témoigne son poème, Le cancre, en 1945.
Les boutons dorés est une chanson écrite par Maurice Vidalin pour Jean-Jacques Debout, en 1959. Mais c’est la version de Barbara qui lui a donné son éclat.
Toutes les chansons n’appellent pas à brûler l’école. Mais beaucoup font référence à l’ennui mortel dans ces établissements. Ainsi, même la gentille Sheila, en 1963, chante et danse de joie quand, enfin, L’école est finie. Elle récidive, en 1966, en chantant que le meilleur moment de la journée, c’est L’heure de la sortie… de l’école, de l’usine ou du bourreau.
Bourrage de crâne, matraquage, formatage, etc., sont bien l’apanage du soi-disant enseignement, sous toutes les latitudes. Quelle illusion que celle de l’indépendance de l’école ! Pete Seeger, en 1963, le dénonce avec Qu’as-tu appris à l’école aujourd’hui ? Version française de Graeme Allwright, en 1968.
Ces ressentis contre l’école, quelques chanteurs de variété les ont chantés aussi. Brimades, coups, sévices… Christophe s’en souvient, en 1966, dans le sensible Excusez-moi, monsieur le professeur.
Christophe_Excusez-moi Mr. le professeur (1966) – YouTube
Un peu d’espoir pour tous les cancres de la part de Jacques Dutronc, avec Fais pas ci, fais pas ça. Nous sommes en 1968 et toute une jeunesse bascule dans l’affrontement au vieux monde. Revoir le film culte If, si intéressés !
En 1970, John Lennon ressent la même chose, dans le magnifique Working class hero : « As soon as you’re born they make you feel small ».
En 1972, Maxime Lefosretier dans J’m’en fous d’la France, au titre fort, regrette qu’on ait profité de son enfance pour lui faire croire à des conneries… Voir la rubrique Analyses, où nous avons traité cette chanson.
L’école de la République n’est pas une école de la liberté, elle est une industrie à produire du conformisme.
Leny Escudero, en 1974, chante l’école buissonnière, avec Le cancre. Fuir l’enfermement, aller courir dans les bois, découvrir l’amour, plutôt que subir la manipulation, le flicage et l’uniformisation.
Michel Fugain, en 1975, fustige lui aussi l’obéissance aveugle au Maître tout-puissant et omniscient avec Dis oui au maître. Relire Le maître ignorant, de Jacques Rancière, si intéressés !
Petit détour chez nos amis Anglais avec le fameux Another Brick in the Wall, de Pink Floyd, en 1979. Il faut savoir que les châtiments corporels ont été admis jusqu’au 21ème siècle, dans ce beau pays. Des millions de gens se sont reconnus dans cette dénonciation. Le clip officiel est très class !
Etudiant poil aux dents de Renaud, en 1981, s’attaque aux perspectives universitaires bourgeoises qui vont nous pourrir la vie. Et c’est vrai que les futurs gestionnaires de notre misère passent par cet univers fait pour eux. Plutôt poète !
Gilbert Lafaille, en 1996, nous soumet à quelques piquantes Interrogations écrites.
En 2003, Tryo, dans Récréation, s’enrage : « Allez faut qu’les parents bossent pendant qu’la police s’occupe de leurs gosses« .
La même année, Romain Bouteille nous gratifie d’une superbe Gigue des petits morts, chantée ici par Maxime Le Forestier :
https://www.youtube.com/watch?v=z8eRvLkX-e8&ab_channel=SAEN
Des nombreux rappeurs traitant du sujet scolaire, Keny Arkana, en 2009, chante L’usine à adulte qui rappelle « que leur enseignement est formaté ».
Punk not dead, avec les Sales Majestés, en 2010, qui accusent carrément l’école de tous leurs déboires ultérieurs, avec C’est pas ma faute.
En 2011, Stupeflip prend fait et cause pour les enfants dans Le spleen des petits.
Une conclusion ? Difficile de ne pas aller directement à la racine des choses et détruire toute cette société qui nous détruit… l’école en premier, puis les prisons, les usines, les parlements, les casernes, les banques, etc. C’est ce que préconise, en 2000, Piloophaz, avec son radical Brûle ton ékole. Sic !
Et puis, cerise sur le gâteau, un document à déguster, écrit en 1975 par Jules Celma et lu par Philippe Noiret :
Paroles
Romain Bouteille – La Gigue Des Petits Morts
Trop lourd pour leurs pauvres guiboles boles
Plus morts que vivants
Mes enfants s’en vont à l’école cole
Du gouvernement
Par décision du ministère tère
De l’enseignement
Ils prennent la couleur austère tère
Des enterrements
Mes petits morts entre deux rives rives
D’hôpitaux blafards
Apprennent dans le poids des livres livres
Le cours du cafard
L’instituteur ignare et terne terne
À mes petits morts
Enseignera ce qui concerne cerne
Le respect de l’or
Ils vont multiplier les poires poires
Par le prix du lard
Combien de sang dans la baignoire noire
Pour faire un dollar ?
Mes petits morts vont à l’école cole
Triste infiniment
S’incliner devant l’auréole ole
Du gouvernement
Plus tard la peur les fera taire taire
Ou mordre, selon
Qu’on rectifiera leur salaire laire
À leur gré ou non
Ils vont recevoir pour algèbre gèbre
Le mépris d’abord
Pour devise : «Écraser le faible faible,
Caresser le fort.»
Mes petits morts vont à l’école cole
Sans étonnement
Célébrer l’amour du pétrole trole
Du gouvernement
Dans leurs jeux de mort se déchaîne chaîne
En fait d’exutoire
La gaîté des boeufs qu’on entraîne traîne
Vers les abattoirs
Je frémis quand je considère dère
Qu’un avortement
Aurait privé d’un militaire taire
Le gouvernement
Sur leurs jambes devenues molles molles
Incurablement
Mes enfants s’en vont à l’école cole
Du gouvernement
Sur leurs jambes devenues molles molles
Incurablement
Mes enfants s’en vont à l’école cole
Du gouvernement.