Amour, love, Liebe, amor, amore, lioubov, liefde, El-hub, milosc, 喜爱, 惚れ込む, premalo, khuyay, mbito itma…


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Que vient faire l’amour dans un site sur les chants de lutte ? C’est vrai, ce n’est pas évident. Mais la révolution n’est-elle pas l’expression d’un monde d’amour, de l’humanité qui se libère des chaînes de l’argent et tout ce qu’il enserre ? La révolution, n’est-ce pas la communauté humaine qui se définit, se construit, s’affine,  dans toutes les luttes et résistances, durant notre longue histoire ? Oui, l’amour brisera la coque brutale et in-humaine de ce monde de non-amour. L’amour sous toutes ses formes. L’amour dans toutes ses manifestations. Il n’y a pas de libération sans joie, sans euphorie, sans amour.

Nous avons choisi, parmi mille, quelques chansons qui chantent l’amour. Choix subjectif s’il en est et vous trouverez que telle ou telle chanson aurait du… vous aurez raison !

Camarades, prenons le temps d’une pause, écoutons ces chansons d’amour, faisons-nous du bien les uns les autres… douceur, gentillesse, attention, bienveillance, tendresse… avant de reprendre le fusil !

Les chansons d’amour existent depuis que les humains chantent ! Commençons par un chant du 16ème siècle, Baise m’encor, écrit par Louise Labé (1524-1566). D’aucuns spécialisses disent que la Labé ne fut point. Peu nous chaut ! Il reste que ce sonnet (apocryphe ou non) nous transmet une vérité importante : l’amour n’est pas une prison ! Régalons-nous avec la chaleureuse interprétation de Colette Magny (1967) :

Au début des années 1960, l’Etat canadien commence la construction de barrages gigantesques sur la rivière Manicouagan, dans le nord du Canada. Les ouvriers, partis pour de longs mois d’isolement familial, pensent à leurs amours, avec nostalgie…

Georges Dor écrit alors, en 1966, une chanson culte, La Manic, qui décrit ce terrible sentiment d’éloignement. Les paroles, simples, sont celles d’un homme à sa femme et les images, magnifiques : « Parfois je pense à toi si fort/Je recrée ton âme et ton corps/Je te regarde et m’émerveille/Je me prolonge en toi/Comme le fleuve dans la mer/Et la fleur dans l’abeille. »
On aurait pu s’attendre à l’inverse, l’abeille qui s’enfouit dans la fleur pour en tirer tout le suc… non, c’est la fleur qui va continuer sa vie dans le miel ! C’est la Vie qui s’exprime du végétal à l’animal… jusqu’à nous.

Ecoutons la version de Jean-Marie Vivier :

En 1977, Pierre Perret signe une superbe chanson, Au café du canal. Ces deux amoureux, du temps des bals populaires, sous les tilleuls, sont d’une délicatesse qui fait envie. L’attirance physique est ici transcendée par une vraie pudeur… devenue rare à l’époque de la pornographie pour tous. L’émerveillement de l’autre ne durera peut-être pas toute la vie, mais malheureux ceux qui ne l’ont pas connu. Allez, souvenirs, souvenirs !

Beaucoup de délicatesse aussi avec cette chanson de Catherine Leforestier, Au pays de ton corps. Un texte simple, qui, en 1969, fleurait bon la nique aux convenances bourgeoises étriquées, répressives, castratrices. Une femme parle du corps de son amant. Avec toute la fragilité et la poésie qui, des décennies plus tard, n’ont pas pris une ride. Qu’on est loin de la brutalité du quotidien actuel !

En 1936, en Espagne, c’est la révolution ! Mais ça n’empêche pas les Argentins Enrique Dizeo et Angel Cabral de composer Que nadie sepa mi sufrir (Que personne ne connaisse ma souffrance), plus connue comme Amor de mis amores, mais surtout, en français, par l’excellente adaptation qu’en a faite, dans les années ’50, Michel Rivgauche pour Edith Piaf, sous le titre La foule. Le thème de l’amour impossible, ou difficile, a été aussi traité par Brassens, chantant, en 1972, le poème aigre-doux d’Antoine Pol, Les Passantes.

Jean-Baptiste Clément et son fameux Le temps des cerises (1866) avait bien mis en parallèle l’amour et la révolution, qui dit : « Quand vous en serez au temps des cerises/Si vous avez peur des chagrins d’amour/Évitez les belles/Moi qui ne crains pas les peines cruelles/Je ne vivrai point sans souffrir un jour. »

Souffrir… deux mille ans de judéo-christianisme sont passés par là ! Comment voulez-vous qu’on applique le slogan de mai 68 : Jouissez sans entrave !, avec cette chape de plomb sur le cœur ?

Allez, on écoute Maria Dolores (Douleur !) Pradera nous chanter avec ferveur Que nadie sepa mi sufrir :

Et puisqu’il nous faut, malgré tout, garder notre cœur d’enfant, un cadeau :

Il n’y a pas de différence entre l’amour et la révolution. Le mot d’ordre en italien, amore et rabbia (amour et rage) rend compte de cette réalité. Amour de la vie et rage contre ce monde de merde ! Tout acte d’amour est déjà, en tendance, en essence, une négation du monde de la souffrance, du renoncement, du labeur, de l’obéissance… Vive l’amour ! Vive la révolution !


Paroles

Baise m’encor

Baise m’encor, rebaise-moi et baise ;
Donne m’en un de tes plus savoureux,
Donne m’en un de tes plus amoureux :
Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.

Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j’apaise,
En t’en donnant dix autres doucereux.
Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux,
Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise.

Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soi et son ami vivra.
Permets m’Amour penser quelque folie :

Toujours suis mal, vivant discrètement,
Et ne me puis donner contentement
Si hors de moi ne fais quelque saillie

Baise m’encor, rebaise-moi et baise ;
Donne m’en un de tes plus savoureux,
Donne m’en un de tes plus amoureux :
Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.


La Manic

Si tu savais comme on s’ennuie
À la Manic
Tu m’écrirais bien plus souvent
À la Manicouagan

Parfois je pense à toi si fort
Je recrée ton âme et ton corps
Je te regarde et m’émerveille
Je me prolonge en toi
Comme le fleuve dans la mer
Et la fleur dans l’abeille

Que deviennent quand j’suis pas là
Mon bel amour
Ton front doux comme fine soie
Et tes yeux de velours
Te tournes-tu vers la Côte-Nord
Pour voir un peu pour voir encore
Ma main qui te fait signe d’attendre
Soir et matin je tends les bras
Je te rejoins où que tu sois
Et je te garde

Dis-moi c’qui s’passe à Trois-Rivières
Et à Québec
Là où la vie a tant à faire
Et tout c’qu’on fait avec

Dis-moi c’qui s’passe à Montréal
Dans les rues sales et transversales
Où tu es toujours la plus belle
Car la laideur ne t’atteint pas
Toi que j’aimerai jusqu’au trépas
Mon éternelle

Nous autres on fait les fanfarons
À cœur de jour
Mais on est tous des bons larrons
Cloués à leurs amours

Y en a qui jouent de la guitare
D’autres qui jouent d’l’accordéon
Pour passer l’temps quand y est trop long
Mais moi je joue de mes amours
Et je danse en disant ton nom
Tellement je t’aime

Si tu savais comme on s’ennuie
À la Manic
Tu m’écrirais bien plus souvent
À la Manicouagan

Si t’as pas grand chose à me dire
Écris cent fois les mots « je t’aime »
Ça fera le plus beau des poèmes
Je le lirai cent fois
Cent fois, cent fois c’est pas beaucoup
Pour ceux qui s’aiment

Si tu savais comme on s’ennuie
À la Manic
Tu m’écrirais bien plus souvent
À la Manicouagan


Au café du canal

Chez la jolie Rosette au café du canal
Sur le tronc du tilleul qui ombrageait le bal
On pouvait lire sous deux cœurs entrelacés
Ici on peut apporter ses baisers
Moi, mes baisers je les avais perdus
Et je croyais déjà avoir tout embrassé
Mais je ne savais pas que tu étais venue
Et que ta bouche neuve en était tapissée

La chance jusqu’ici ne m’avait pas souri
Sur mon berceau les fées se penchaient pas beaucoup
Et chaque fois que je tombais dans un carré d’orties
Y avait une guêpe qui me piquait dans le cou
Pourtant ma chance aujourd’hui elle est là
Sous la tonnelle verte de tes cils courbés
Quand tu m’as regardé pour la première fois
Ma vieille liberté s’est mise à tituber

On était seul au monde dans ce bal populeux
Et dans une seule main j’emprisonnais ta taille
Tes seins poussaient les plis de ton corsage bleu
Ils ont bien failli gagner le bataille
J’aime le ciel parce qu’il est dans tes yeux
J’aime l’oiseau parce qu’il sait ton nom
J’aime ton rire et tous ces mots curieux
Que tu viens murmurer au col de mon veston

Et je revois tes mains croisées sur ta poitrine
Tes habits jetés sur une chaise au pied du lit
Ton pauvre cœur faisait des p’tits bonds de sardine
Quand j’ai posé ma tête contre lui

Dieu, tu remercies Dieu ça c’est bien de toi
Mais mon amour pour toi est autrement plus fort
Est-ce que Dieu aurait pu dormir auprès de toi
Pendant toute une nuit sans toucher à ton corps

Chez la jolie Rosette au café du canal
Sur le tronc du tilleul qui ombrageait le bal
On pouvait lire sous deux cœurs entrelacés
Ici on peut apporter ses baisers.


Que nada sepa mi sufrir

No te asombres si te digo lo que fuiste
Una ingrata con mi pobre corazón
Porque el fuego de tus lindos ojos negros
Alumbraron el camino de otro amor
Y pensar que te adoraba ciegamente
Que a tu lado como nunca me sentí
Y por esas cosas raras de la vida
Sin el beso de tu boca yo me vi

Amor de mis amores, alba mía, que me hiciste
Que no puedo consolarme sin poderte contemplar
Ya que pagaste mal mi cariño tan sincero
Lo que conseguirás que no te nombre nunca más
Amor de mis amores, si dejaste de quererme
No hay cuidado que la gente de eso no se enterará

Que gano con decir que tu amor cambió mi suerte
Se burlarán de mí, que nadie sepa mi sufrir
Y pensar que te adoraba ciegamente
Que a tu lado como nunca me sentí
Y con esas cosas raras de la vida
Sin el beso de tu boca yo me vi


Que personne n’apprenne ma souffrance

Ne t’étonne pas si je te dis ce que tu as été:
une ingrate avec mon pauvre cœur
car l’éclat de tes beaux yeux noirs
a illuminé le cœur d’un autre.

Et dire que je t’adorais tendrement
qu’à tes côtés je me sentais comme nulle part ailleurs
et, par ces choses étranges de la vie,
je me suis retrouvé sans tes baisers.

Amour de mes amours
moi qui t’appartiens, que m’as-tu fait?
car je ne peux me consoler
de ne plus pouvoir te contempler.

Tu as récompensé ingratement
mon affection si sincère.
Ce que tu obtiendras
c’est que je ne te nomme jamais plus.

Amour de mes amours,
si tu as cessé de m’aimer
peu importe que les gens l’apprennent.

Qu’est-ce que je gagne si je dis
qu’un autre amour a changé mon sort?
On se moquera de moi.
Que personne n’apprenne ma souffrance!

 


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